la direction !

L’abime qui sépare un médecin libéral d’un médecin salarié est insondable. Je vais parler que du salariat que je pratique, c’est à dire, non pas dans l’exercice médical, mais dans une activité d’encadrement, aux côtés d’une direction d’établissement privé

Bien que l’un et l’autre pensent toujours que c’est chez l’autre qu’on en fait moins, dans les 2 cas, l’intensité de travail est bien réelle. Déja pourtant se fait jour une différence: en libéral, sauf cas particulier, la charge de travail est corrélée au revenu. Pour le salarié du niveau cadre, hors 35 heures, donc , le salaire reste le même à chaque fin de mois, quelque soit la charge de travail.

La motivation est donc totalement sans relation. D’un côté, celui dont la sueur intellectuelle est vecteur de revenu. D’un autre, un personnage qu’il faut motiver à travailler au maximum non plus pour son propre bien, mais pour celui d’une équipe, d’un supérieur hiérarchique, d’un objectif. Les contraintes, les obligations, le stress sont le lot des 2, bien sur, mais pas pour les mêmes raisons.

On entre en cadre, comme on entre en religion ? pas exactement. On y rentre en se disant que l’on fera autrement que les autres. On ne sera ni stressé, ni débordé. On gardera sa totale indépendance intellectuelle. On ne sera jamais agacé quand les supérieurs vous prendront pour un pion, ne remarqueront pas l’intensité du travail accompli. On se rassure en se convainquant qu’il ne sera pas frustrant de voir ses bonnes idées vantées par un autre qui s’en attribuera l’entière paternité. En fait, c’est particulièrement frustrant, voire totalement exaspérant…

On entre en cadre pour découvrir tout un tas de métiers dont l’existence est insoupçonnable et l’efficience injustifiable aux yeux de ceux qui sont dans l’action. Dans le milieu médical, je cite tout particulièrement le service qualité. Des administratifs d’une pureté sans tache, et sans véritable tâche non plus. Des détenteurs de vérité absolue sur ce que vous devriez faire, mais qui sont incapables de vous le faire savoir autrement que par des mails, des notes de service et des audits jamais restitués. Le panier des audits qualité est un puits sans fond, alimenté sans cesse par les ordres nouveaux des obligations légales et tutélaires débiles. Utiliser des litres de désinfectant pour les mains traduit la qualité d’adaptation d’une structure aux obligations de nettoyage…

On entre en cadre aussi pour découvrir la vraie vie des réunions. Les incontournables réunions du soir après la consultation libérale, on les fréquentait déja. Voila qu’on y additionne celles du jour, des réunions seulement constituées d’administratifs payés pour ça, puisque les médecins libéraux gagnent leur vie pendant la journée

On fantasme beaucoup sur les réunions. Quand on court partout, on les espère, en pensant que ce sera du repos. En fait on se trompait sur toute la ligne. Deux cas de figure: soit on n’a rien a y dire, et on s’emmerde, et s’emmerder pendant 2 heures d’affilée, c’est minant. Soit on est celui qui gère la réunion, et dans ce cas de figure,  ça peut même devenir carrément épuisant quelques fois. Sans compter les heures de préparation d’amont.

Le salariat au début, c’est comme une douceur. Une découverte. Toutes les fins de mois, y compris pendant les vacances, l’argent rentre dans la caisse. une vraie cerise sur le gateau !  Le libéral a des congés non payés , lui ! On s’habitue doucement à ce petit ron-ron salarial mensuel. Peu à peu, aussi,  s’insinue une petite frayeur, discrète au début, puis qui se concrétise si des changements se profilent dans l’organigramme…:  » et si on ne voulait plus de moi?  Et si on me « remerciait »; Bien sur, je peux réinvestir sur le libéral, c’est facile, même. Sauf que j’ai pris goût à ce nouveau statut, à ces nouvelles activités. Et voila que du plaisir, on est passé doucement à l’habitude, puis à la crainte de perdre son boulot.

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