c’est si dur d’être un aidant de handicapé…

La vie d’un accompagnant de cérébrolésé est une douloureuse et permanente découverte et un chemin de souffrance pour l’aidant aussi.

La première rengaine, difficile à accepter, mais aussi difficile à étouffer, m’accompagne en sourdine. C’est dur d’être tellement mal accompagnée que l’on se sent si seule. C’est dur de ne jamais être seule dans la réalité de tous les jours, et pourtant de se sentir tellement dans la solitude.

L’homme qui est à mes côtés n’a plus rien de commun avec celui que j’ai épousé, il y a 29 ans. En pratique, ce n’est plus mon mari. L’amour a fondu petit à petit, devant l’incapacité de l’homme à alimenter au moins l’ardeur de mon investissement par une reconnaissance de ce qui est fait pour lui à chaque moment de ma vie. Même s’il n’en a pas conscience, il est le centre de tout, parce que chaque décision tient compte de sa présence et de son handicap. Mais justement, il n’en a pas conscience, et c’est un énorme, un incommensurable facteur de souffrance pour l’aidant, comme une négation permanente de tous ses efforts. L’entourage mesure certes un peu l’effort investi, mais trouve cela somme toute, dans l’ordre des choses. C’est seulement celui qui agit, qui devient le vrai comptable des efforts qu’il met en oeuvre, parce que ses efforts utilisent la puissance de son énergie personnelle, et qu’il est le seul à vraiment comptabiliser.

Après des années, 7 ans en ce qui me concerne, je me retrouve dans une vision d’ impuissance, et ne vois pas comment en sortir. L’impasse relationnelle est quasi totale entre le père et mari, tout entier à sa nouvelle vie de handicapé, muré dans ses déficits de parole, de cognition et surtout de sentiments. Et la mère, qui gagne la vie, assure l’ensemble de la logistique et des tâches administratives, et doit par ailleurs ajouter des fonctions paternantes de subsitution à son classique rôle de mère. L’aidant se retrouve aussi en situation de prendre toutes les décisions. Et en conséquence, conséquence normale, mais dure à accepter, le fait de prendre toutes les décisions conduit inévitablement à ce que les décisions soient critiquables et critiquées.

Et puis la mère, avec tant de fonctions dans la famille, n’est plus femme. Ni pour son mari, ni pire encore, à ses propres yeux. Comment avoir envie de plaire, fut ce à un autre ? d’ailleurs est ce encore possible ? Et pire, dans le cas ou ce serait possible, est-ce envisageable de retrouver du bonheur auprès d’un autre sans culpabiliser, sans se sentir traître ?

Cet aidant, moi, ou un autre comme moi, entre dans un monde de souffrance, de solitude, et ne voit pas comment il en sortirait. Parce que malgré la vie sociale, malgré les activités, les enfants, les tentatives de continuer une vie aussi normale que possible, l’aidant est pris au piège de l’aide. Il peut, comme je le fais, rêver de s’en libérer, de se séparer… mais c’est entrer dans un autre piège, celui d’avoir failli à ses responsabilités, celui d’avoir abandonné dans cet état l’homme que l’on a autrefois (avant ça), tant aimé, et que, notamment pour cette raison là, on ne peut pas envisager de laisser tomber…

8 commentaires sur “c’est si dur d’être un aidant de handicapé…

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  1. Étant moi même malade à la suite d’un AVC j’en avais oublié combien l’aidant peut souffrir, dieu merci bien que handicapé et reconnue à 80% je marche et je me débrouille tout seul, mais en lisant votre témoignage je m’aperçois que notre vie ma femme et moi aurez pu basculer dans un tourbillon sans fin. je vous souhaite du courage parce qu’il va vous en falloir grosse bise pierrot ps je mettrais votre témoignage sur mon site, si vous le voulez bien . encore merci pierrot

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  2. Surement que c’est un sacré frein dans votre vie… Mais vous pouvez peut etre vous dire que « heureusement » , ce n’est pas vous qui etes handicapée…..Non, ça ne marche pas ? 😉

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  3. vptre témoignage m’a ému, je suis aidante de mon mari qui a fait un AVC hémorragique, il y a 5 ans. Au quotidien ce n’est pas facile parcequ’il n’est pas autonome pour la marche et me sollicite souvent. Mais quand je réalise ce qu’est votre vie, je me rends compte que je n’ai pas à me plaindre. Vous avez beaucoup de courage et d’abnégation, je vous souhaite que votre vie s’améliore et que vous trouvez des moments pour vous ressourcer. Amicalement Lucia

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  4. Votre expérience et votre réflexion rejoignent les miennes, elles sont d’autant plus vraies que dans mon cas, il s’agit d’un enfant. Malgré la difficulté et la souffrance, il faut trouver la force de poursuivre dans la solitude et l’isolement.  

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  5. comme je vous comprends, j’ai arrêté de vivre le jour où mon fils a eu son accident et depuis son frère est atteint d’une maladie peu à peu la famille et bon nombre de copains nous ont laissé tomber en prétextant des choses ignobles courage vous n’êtres pas seul

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