Des nouvelles d’Arnaud

Voici des nouvelles d’Arnaud, ce jeune homme suintant l’alcool connu fin Mars un matin tôt. Résumé de la première consultation ici http://www.cris-et-chuchotements.net/article-arnaud-32-ans-2-grammes-d-alcoolemie-a-8-h-du-mat-102569065.html.

Quelques jours après la consultation, ses parents m’appellent à plusieurs reprises.  Des parents anxieux, désespérés de l’état de leur fils.  Ils m’assurent de la soudaine et réelle motivation de leur garçon. De tergiversations en reports, Arnaud se retrouve enfin hospitalisé dans un lit de médecine.

Son pauvre foie de 32 ans a déjà bien trinqué…. Il existe une cirrhose constituée sur la biopsie de foie, une insuffisance hépatique déjà bien avancée aussi.  Un tel tableau, c’est le chemin de la greffe d’ici peu d’années, s’en doute t’il …

Dans sa chambre d’hôpital, c’est surprenant, Arnaud retrouve la parole. Nous échangeons autour de son souhait d’arrêter, des difficultés, des possibilités de se faire aider. Il est motivé, mais bon, l’alcoolique est souvent motivé quand il a des ennuis. Dans la vraie vie, la motivation est fragile,  la carapace de l’abstinence se fissure bien vite avec le retour des tentations.

A la sortie de l’hôpital, bien sur, un rendez-vous est fixé, et il n’y vient pas.   Ce genre de malade, de toutes manières, on s’attend à ce qu’il reparaisse tôt ou tard, d’une manière ou d’une autre dans votre paysage médical, c’est incontournable  vu son état. Dans un délai plus ou moins long. En plus, il est évident que l’on me préviendra si un tel phénomène se repointe à la clinique vu que ça se bouscule pas pour gérer un tel client.

Surprise, ce n’est ni aux urgences ni en hospitalisation que je le retrouve cette semaine, mais tout simplement avec un rendez-vous de consultation. Les urgences, il y est passé il y a quelques jours, suite à un malaise, sur trop d’alcool. C’était dans les toilettes, et la chute l’a précipité tête première sur la porcelaine. Son thorax n’est qu’un bleu, sa lèvre éclatée. 

Le voici donc, la gueule cassée. Sa mère l’accompagne.

Une  si belle évolution mérite un second article dans mon blog. Ne rêvez pas, il n’a pas arrêté de boire ! Cependant, il a réussi plusieurs sessions de 10 jours sans alcool, suivies de craquages massifs. Avec le plus grand sérieux, il m’explique combien c’est difficile pour lui d’éviter le rayon bière, car ce rayon se trouve juste à côté du rayon de l’eau, et que de plus, le supermarché est en face de chez lui.

Il y a du positif. Ses parents l’aident. Il a décidé de revenir provisoirement vivre avec eux. Il s’est renseigné sur les centres d’alcoologie, auprès de copains d’ivresse certes, mais c’est déjà ça. Il a fait des recherches sur internet, et a entendu parler de la fameuse molécule miracle, le baclofène, qui dégouterait de l’alcool. Maintenant, il s’exprime, échange en consultation.Sa mère verse quelques larmes. 

Tout ce petit progrès est mince, fragile, bien sur, et ne lui rendra pas un foie neuf,  mais je me suis empressée de souligner les points positifs. Et de prescrire le fameux baclofène.

Et quelques examens pas encore pratiqués qui devraient le maintenir dans mon champ de vue les semaines à venir pour suivre de près son évolution.


Ben tiens, je vous le confie, un chemin de  progrès comme ça justifie l’investissement du médecin, et ça fait plaisir, vraiment ! 

3 commentaires sur “Des nouvelles d’Arnaud

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  1. Mon copain, qui a 26ans, est alcoolique, et parfois je perds tout espoir, malgré la prise de conscience de son problème il y a quelques années. Tout comme ce jeune homme, je l’ai vu dans des états que je qualifierais de quasi-spectaculaires, mais aussi faire une crise de convulsions (apparemment lié au manque d’alcool et à une pénurie de Valium) et subir une crâniotomie suite à une chute sur la tête en ma présence… Drogué principalement aux benzodiazépines, il n’en est que plus mal, et l’envie de boire persiste quoi qu’il en soit. En tant que petite amie et voisine, je suis presque son seul soutien, mis à part son médecin généraliste. Je désespère qu’il ne soit pas repris en clinique, après un trop court séjour de trois semaines, alors qu’il a lui-même pris conscience de la nécessité d’un tel cadre. Nous usons donc de multiples stratagèmes pour parer à une éventuelle alcoolisation, qui permettent ainsi d’espacer les dérapages. Mais ceux-ci ne se font pas sans générer de nombreux conflits, tout en créant l’illusion d’une amélioration, alors que cette amélioration ne se doit qu’à la présence d’une tierce personne qui soit en mesure de l’aider. Autrement, ses limites n’existent plus.

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    1. Bonjour Lili, votre témoignage est poignant. Est ce que votre ami a consulté dans un centre spécialisé en alcoologie ? vous trouverez toutes les adresses sur le site de la fédération d’alcoologie dont voici le lien http://www.sfalcoologie.asso.fr/page.php?choix=annuaire . Un médicament jusqu’a présent non autorisé en France vient d’avoir l’agrément. Il s’agit du Baclofène. Pourrait il obtenir ce médicament,  dont l’effet supprime l’envie de boire chez un certain nombre d’alcooliques. Bon courage à vous

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