Dépistage (dés)organisé du cancer du sein: toujours POUR

Puisque chacun y va de son crédo et s’interroge – Faut-il être pour ou contre le dépistage organisé du cancer du sein, et par là même favorable ou pas à la surcoloration de rose du mois d’octobre »,  je vais m’y mettre moi aussi.

Pour raisons personnelles notamment, le sujet continue à me questionner. D’autant que je vois douter même certains tenants purs et durs du dépistage… dois-je aussi me déconvaincre de l’intérêt du dépistage précoce de cancer du sein ?

Concept du dépistage plus ou moins organisé    

Le concept d’un dépistage est intuitivement simple. En effet, on pense que plus un cancer est volumineux, plus il est dur à guérir. D’où cette idée du dépistage. Trouver de petits cancers, et donc les guérir plus facilement.  Idée paraissant simple et géniale. L’épidémiologie confirme ce concept: For breast, prostate, and colorectal cancer, the more recently was the cancer diagnosed, the less was the probability of death from cancer. Cancer Epidemiol. 2013 Dec;37(6):857-63. doi: 10.1016/j.canep.2013.08.006. Epub 2013 Sep 22.

Les opposants à ce concept se basent sur des articles de 1963 et 1970 … Dès 1963, Ch. Gros, dans son livre « Les maladies du sein », notait : « Le diagnostic utile, c’est-à-dire celui qui donne à la malade les plus grandes chances d’efficacité thérapeutique, n’est pas synonyme de diagnostic précoce : il n’y a pas un parallélisme rigoureux entre le diagnostic précoce dans le temps et précoce dans l’espace. http://www.formindep.org/Un-depistage-inadapte-au-genie. Cet article évoque le shéma Halstedien de l’histoire naturelle du cancer du sein. Or, rappelons qu’en matière de surtraitement, Halstedt n’était pas en reste, puisque l’intervention de Halstedt consistait à enlever le sein, les ganglions, et le muscle pectoral, intervention grevée d’épouvantables séquelles. 

En matière de cancer du sein, on pense donc, en 2015, que dépistage « organisé » est garant de dépistage précoce.

Surtout, le mot organisé est une dimension de santé publique. L’organisation du dépistage permet que toutes les femmes y aient également accès, les riches comme les pauvres. Hors organisation, les riches le font d’elles-mêmes, les pauvres ne le font pas.

Le dépistage est il vraiment organisé ? 

Le dépistage organisé a été instauré en France en 2004.

En 2014, le taux moyen de participation au dépistage des femmes de la population-cible de 52,1 %. Il atteint 60% dans quelques départements, mais est très bas dans certains autres, notamment en Ile-de-France, ou il avoisine seulement 30%. 

Or, l’efficacité d’un programme de dépistage dépend fortement de l’adhésion de la population concernée; 

Afin d’avoir un impact en termes de santé publique au meilleur coût dans un contexte de maîtrise des dépenses, un certain taux de participation doit être atteint. La Commission européenne a évalué ce taux à 70 % dans le DO du cancer du sein. En France, l’INCA avait fixé l’objectif de 65% de femmes dépistées. http://www.oncopaca.org/upload/DEPISTAGE/ethique_depistage_organise_cancer_sein_france.pdf 

Par conséquent, et bien que j’aie toujours été nulle en statistique, mesurer l’impact de mortalité d’un programme de dépistage qui n’atteint pas sa population-cible, est probablement une aberration statistique. 

On pourra parler d’impact sur la mortalité le jour ou le programme de dépistage concernera les bonnes personnes. 

Le dépistage organisé ne diminue pas la mortalité par cancer du sein en France ?

Selon différentes études et différents contradicteurs du dépistage, on dirait que la réponse est non, Cela s’explique en partie par le fait que la population cible du dépistage n’est pas concernée comme prévu statistiquement. 

Pour l’instant, en tous cas, l’on semble peiner à prouver que le concept de dépister un petit truc dans un sein est mieux que d’attendre d’en avoir un gros.  En chiffres, en effet,  toujours autant de femmes qu’avant en France décèdent de cancer du sein.

Sans être épidémiologiste,  au lieu de parler d’incidence, c’est-à-dire le nombre de nouveaux cas de cancers du sein rapporté à l’évolution de la population, on pourrait tenter un raisonnement en valeur absolue. 

Le nombre de nouveaux cas annuels de cancer du sein évolue en fait peu.  49814 cancers du sein en 2005, et 48 763 cancers du sein en 2012. 

Le nombre de décès par cancer du sein ne baisse pas beaucoup non plus

En 2005: 11801 décès, en 2012: 11886

Cela traduirait que l’on décède toujours autant de cancer du sein.

Mais le nombre de décès n’indique pas: si l’on décède de la maladie aussi vite et de la même manière qu’autrefois. 

Car les statistiques estiment le nombre de nouveaux cas annuels. Pas le nombre total de femmes ayant un cancer du sein en cours de traitement en 2005 ou 2012. 

Et le nombre de dècès indiqué ne tient pas compte du nombre total de patientes ayant un cancer du sein.

Si l’on tient compte de l’incidence globale du cancer du sein dans la population féminine, puis que l’on regarde le taux de mortalité brut, c’est à dire le nombre de femmes décédant de cancer du sein chaque année par rapport au nombre de femmes ayant un cancer du sein, on trouve alors bien une baisse du taux brut de mortalité. Il diminue d’année en année. 

Evolution de la mortalité par cancer du sein entre 1980 et 2012 – Taux standardisé
Année 1980 1990 2000 2005 2010 2012
Sources : Estimation nationale de l’incidence et de la mortalité par cancer en France entre 1980 et 2012. Partie 1 – Tumeurs solides
Traitement : INCa 2013
Femme 19.2 20.2 18.9 17.5 16.2 15.7

Chaque année, environ 50000 nouveaux cas viennent s’ajouter aux cas précédents. Il y a donc toujours le même nombre de décès par cancer du sein en France, mais de plus en plus de femmes vivant avec leur cancer et qui ne décèdent pas. 

De quoi parle t’on quand on parle de décès par cancer du sein ?

En fait, le nombre de femmes décédant annuellement par cancer du sein est stable, mais les décès n’interviennent probablement pas pour les mêmes raisons qu’avant.

Par exemple, une partie des 11886 femmes décédées d’un cancer du sein en 2012 avaient déjà eu un cancer précédemment dont elles n’étaient pas mortes.

« Le  risque  de  développer  un  cancer  du  sein  controlatéral  est  de  0,5  à  1%  par  an . Une  femme  atteinte  a  un  risque  multiplié  par  2  à  6  de  développer  un  cancer  du  sein  controlatéral  par  rapport  au  risque  qu’à  une  femme  de  développer  un  premier  cancer  du  sein » http://www.saint-louis-reseau-sein.org/publication_ppt/2e_cancers_apres_k_sein.pdf

Ou encore

« Pour une patiente sans antécédent familial, le risque de contracter un 2ème cancer du sein est évalué à 3,4 mais si des membres de sa famille sont également touchés, ce risque s’élève à 5,48, Tout d’abord, le risque de développer un 2ème carcinome étant plus élevé que celui de contracter le premier cancer, les causes de ces deux maladies successives semblent différentes. D’autre part, les facteurs de risque « antécédent familial » et « 1er cancer du sein » ne s’ajoutent pas mais se multiplient. » K. Hemminki, J. Ji, A. Försti : « Risks for Familial and Contralateral Breast Cancer Interact Multiplicatively and Cause a High Risk », Cancer Research, 01/02/2007 http://www.informationhospitaliere.com/actualite-8007-quels-risques-developper-deuxieme-cancer-sein.html

On omet  donc dans les raisonnements statistiques de mortalité le fait qu’une femme  ayant eu un cancer du sein non mortel, présente un sur-risque d’en avoir un second, et donc de décéder par cancer du sein. Sauf qu’entre temps, elle aura vécu bien plus longtemps qu’autrefois, parce que son premier cancer a justement été dépisté tôt, et son second cancer aussi.

Une telle patiente aura eu un cancer du sein, peut-être des récidives, ou des métastases, ou un second cancer du sein, elle en mourra quand même à la fin, mais aura eu le temps de vivre une vie bien remplie.

Tous ceux qui ont connaissance de femmes atteintes de cancers du sein connaissent ces vies, liées au cancer, à ses périodes de traitement et de rémission, de rechute, de nouveau cancer controlatéral… mais ce sont aussi des vies allongées et acceptables pour des femmes qui peuvent voir grandir leurs enfants et leurs petits enfants.

Aussi, plutôt que de parler uniquement de mortalité par cancer du sein, il serait intéressant de connaitre la durée de vie après un premier cancer du sein. Et la, on ne voit pour quelle obscure raison ce ne serait pas pour le sein comme pour les autres organes, digestif, poumon, etc,  plus le cancer est détecté petit, plus on peut vivre longtemps ensuite… On a notamment le temps d’avoir un second cancer…

Surtraiter de petits cancers ou attendre et traiter fort de gros cancers ?

2 écoles s’opposent

  • L’école qui dit qu’il est mieux de dépister un cancer au début, même si, peut-être, en effet, il y a un risque de surtraitement
  • L’autre école qui dit qu’il vaut mieux attendre de sentir une boule, puisqu’on traitera aussi bien un cancer plus gros et plus avancé qu’un petit cancer. Cette école préfère que l’on fasse un traitement intensif de cancer avancé, plutôt que prendre le risquer de trop traiter à un stade précoce. C’est l’école de ceux qui disent que c’est mieux combattre avec vigueur un véritable ennemi.

Le surtraitement existe, c’est sur. Si l’on se réfère à l’histoire de la médecine, le surtraitement ne date pas d’hier. Avant de découvrir les thérapeutiques adaptées, de nombreux malades ont payé un lourd tribut à la méconnaissance médicale  Demandez à tous les ulcéreux auxquels on a enlevé l’estomac avant de découvrir le traitement médical de l’ulcère, et ils vous diront ce qu’ils pensent des surtraitements. A tous ceux qui ont eu une jambe amputée pour artérite avant qu’on invente les stents…. 

Ce n’est donc pas nouveau que les médecins aient surtraité les patients. Tout simplement parce qu’ils ne disposaient pas encore des bons moyens thérapeutiques, mais qu’ils voulaient guérir leurs malades, à n’importe quel prix. 

Ne vaudrait il pas mieux se bouger pour que les  recherches génétiques permettent de discriminer de manière optimale les traitements des cancers, et ainsi éviter des chirurgies mutilantes et des chimiothérapies inutiles. Ne vaudrait il pas mieux se bouger pour que les progrès permettent une meilleure adaptation thérapeutique, et obtenir des fonds pour que ces recherches avancent plus vite ? 

La surprenante notion de petit cancer du sein qui n’évoluera pas, voire régressera

Les sceptiques, voire les opposants au dépistage, se basent sur un thème peu retrouvé en fait dans la littérature médicale: « le cancer du sein d’évolution très lente, et le cancer du sein non évolutif ».

Ils s’appuient sur une étude UNIQUE publiée par Zahl en 2008, et republiée à l’identique dans un autre journal médical en 2011. On ne trouve pas d’autre étude confirmant cette observation.

Les opposants au dépistage organisé, donc précoce, expliquent, sur la base de cette  seule étude: la mammographie détecterait un certain nombre de lésions qui auraient spontanément disparu ou qui n’auraient pas évolué, si on avait opté pour une surveillance simple.

Ca fait léger pour affirmer qu’il y a des cancers qui régressent,  Et pour affirmer  « Parmi ces 75 cancers, et sans que l’on sache aujourd’hui les distinguer des autres, 19 n’auraient jamais entraîné de maladie. Ils seraient restés stables, auraient disparu spontanément ou connu un développement très limité et non perceptible. Comme ils sont maintenant détectés ils vont être soignés (entendez intervention chirurgicale et probable ablation du sein) pour rien. On parle de sur-diagnostic et de sur-traitement. https://30ansplustard.wordpress.com/2015/04/20/cest-avec-cela-quil-vous-faut-prendre-une-decision-madame-et-ce-nest-pas-facile/

S’agissant de ces petites images qu’il serait bon de ne pas dépister, on est tout de même déjà dans la vraie sphère du cancer. En effet, toute image suspecte dépistée en mammo fait l’objet d’un prélèvement et d’une confirmation histologique. Elles ne sont jamais traitées  sans preuve  histologique. Seules les petites images correspondant bien à la présence de cellules cancéreuses documentées font l’objet d’un traitement. Et donc, scientifiquement, on ne voit pas ce qui permet d’affirmer que ces petites tumeurs cancéreuses pourraient ne pas évoluer voire spontanément régresser.

Mais bon, puisqu’il faut bien être scientifique, me voila partie faire une recherche sur Pubmed, (qui pour les non-initiés, est un site  recensant tous les articles médicaux publiés). Les nombreuses requêtes testées, telles que – cancer du sein non évolutif, – régression spontanée d’un cancer du sein, – cancer du sein d’évolution lente -histoire naturelle du cancer du sein, ne donnent absolument aucune idée de régression de lésions cancéreuses du sein (hormis quelques histoires de chasse sur un cas)

Et donc, ce concept de cancer du sein qui n’évoluera pas, voire régressera, est une généralisation basée sur une unique publication, utilisée à gogo par les opposants au dépistage organisé.

Octobre doit-il être si rose ?

Il est vrai que ça commence à sentir commercial, et produits dérivés qui rapportent, ballons, ti-shirts, etc.

Le mois d’octobre est gris, le froid s’installe, les feuilles jaunissent.

Alors un peu de couleur dans la rentrée grise ne fait pas de mal à personne.

Et c’est l’occasion de réfléchir collectivement. A ce dépistage, mais aussi aux malades et à la prise en charge de la maladie.

Au final

  • Aucun argument des opposants au dépistage ne me convainc.
  • De plus, je n’arrive pas à savoir ce que préconisent ceux qui s’opposent au dépistage. Il est de bon ton d’être contre, mais il serait bien de faire une vraie proposition contradictoire. Si on ne dépiste pas des femmes sans symptôme, l’attitude qu’ils préconisent serait donc, si je comprends bien leur réflexion, d’attendre d’avoir senti une boule dans son sein pour aller consulter ? 
  • Au contraire, je trouve qu’il y a beaucoup d’arguments pour continuer à prôner, non seulement la démarche de dépistage précoce, mais une démarche de dépistage organisé, l’organisation étant un facteur de justice sociale, s’adressant autant aux riches qu’aux pauvres.
  • Plutôt que se battre autour de la notion de dépistage, je préfère carrément que l’on subventionne vite et mieux les recherches génétiques et biologiques permettant de définir de manière optimale les traitements des cancers, et ainsi d’éviter des chirurgies étendues et des chimiothérapies inutiles. 
  • Ainsi, à l’avenir, les petits cancers ne seraient plus surtraités, mais justement traités.
  • Pour autant, à l’image de ce qu’a su et pu faire la médecine durant des siècles, tant que le bon traitement n’est pas disponible, les patients sont en effet surtraités.  Mais, ce n’est pas parce que l’on ne dispose pas encore du traitement optimal qu’il faut surseoir à faire un diagnostic précoce. En attendant des indications thérapeutiques mieux ciblées, personnellement, je continue à trouver préférable d’être surtraitée même si cela ampute un peu la qualité de vie. Traiter plus tardivement augmente le risque vital à plus court terme, et l’angoisse de récidive d’une femme avec ganglions atteints n’a rien à voir avec celle ayant eu un petit cancer sans atteinte ganglionnaire… même si cette dernière a peut-être été surtraitée. 

7 commentaires sur “Dépistage (dés)organisé du cancer du sein: toujours POUR

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  1. Votre argumentaire bien construit appelle des remarques
    Le dépistage ne peut être évalué, la participation étant inférieure à 70%
    C’est vrai en France, mais la plupart des études qui remettent en cause l’utilité du dépistage organisé ont été réalisées dans des pays nordiques où le taux de participation au dépistage est de 70%
    L’important est le taux de survie.
    Les chiffres que vous donnez démontrent en premier lieu que la baisse de mortalité par cancer du sein ne peut être attribuée au seul dépistage, qui pourrait à la limite l’expliquer après 2005, mais pas avant en son absence.
    En fait la mortalité baisse
    Votre calcul est basée sur l’addition du nombre de cancer annuel. La mortalité est stable (environ 11 000 cas/an) mais il faut prendre en compte non les 50 000 cancers annuels mais les 50 000 de l’année ET ceux des années précédentes. Pourquoi pas, mais ce raisonnement prévaut aussi avant la mise en place du dépistage. Si le dépistage avait un effet observable sur la mortalité, cet effet devrait se constater dans les chiffres de mortalité. Le cancer du sein n’est pas apparu avec le dépistage, les 50 000 cas annuels existaient avant, peut être un peu moins mais proche de ce chiffre. Par ailleurs ce raisonnement néglige les causes de mortalité chez la femme, 5 à 6 fois plus fréquentes par maladie cardio-vasculaire que par cancer du sein.
    L’important est la qualité de vie des femmes dépistées
    En effet mais curieusement aucune étude n’est réalisée sur ce sujet.
    La notion de régression spontanée est fondée sur une étude
    Rejeter cette possibilité avec l’argument qu’une seule étude le met en évidence est un peu péremptoire. La science médicale a identifié des maladies ou des effets sur une base initiale de déclaration de cas. On peut en citer 2 exemples, la découverte du SIDA et les effets indésirables du Benfluorex
    Mais ce qui pose réellement problème dans votre argumentaire concerne octobre rose. « Un peu de couleur dans la rentrée grise ne fait pas de mal à personne »
    Justement si Octobre rose et le dépistage font du mal.
    Les chiffres sont têtus.
    Pour 2000 femmes dépistées, on sauve une vie, on traite à tort 8 femmes on en inquiète 200.
    Alors oui le dépistage organisé permet un accès de toutes à la mammographie. Mais à quel prix. Toute femme participant au dépistage devait avoir cette information et le problème du dépistage se résume à ces chiffres cachés par les défenseurs du dépistage, et que vous ne citez d’ailleurs pas

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  2. Bonjour,
    J’ai pris du temps pour répondre en raison de mon abasourdissement.
    Il y aurait trop de commentaires à faires, cela pourrait être un billet entier de blog.
    Je vais donc répondre à votre conclusion.
    1) Les études qui ont été commentées par la Nordic Cochrane répondent à la question de l’intérêt d’un dépistage organisé. Ils ajoutent même : dans un pays où n’existe pas le dépistage organisé nous conseillerions de ne pas l’instituer.
    2) Pour le dépistage précoce, je vous rappelle ceci concernant les cancers canalaires in situ (en sachant qu’actuellement aux EU 28 % des cancers diagnostiqués sont des canalaires dans la tranche d’âge 40-49 ans, soit hors dépistage organisé français) : une étude avec désormais 30 ans de recul montre : 28 femmes avec des K canalaires confirmés par biopsie ont été suivies au cours du temps : 17 des 28 n’ont pas développé de K invasif. Or, le traitement des canalaires in situ, c’est la mastectomie…
    3) Vous dites que la gratuité du dépistage organisé est une mesure de justice sociale (je ne sache pas que vous prôniez le tiers payant généralisé) : les chiffres montrent effectivement que ce sont les personnes défavorisées qui, en général, meurent plus de cancers que les autres, tous cancers confondus (et d’ailleurs touts non cancers confondus) mais il est clair que le sur traitement touche également plus les femmes des milieux favorisés dont les gynécologues en secteur 2 prônent les mammographies avant 50 ans chez des patientes non à risques et la Nordic Cochrane a montré que le nombre de cancers augmentait avec le nombre de mammographies effectuées… Ainsi, comme d’habitude, l’argent public des pauvres permet aux riches, et pas seulement à elles, d’être sur traitées…
    4) Oui aux recherches mais dans tous les domaines actuellement ces recherches, notamment dans le domaine cardio-vasculaire, n’ont pas conduit à des diminutions de traitement mais au contraire à leurs extensions à des pré malades…
    5) Vous dites préférer être sur traitée (i.e. mastectomie, radiothérapie, chimiothérapie), c’est à dire que 17 femmes sur 28 ayant un cancer canalaire in situ risquent la mammectomie alors qu’elles ne seraient pas mortes de leur cancer… L’amélioration des traitements est un facteur majeur de l’augmentation de l’espérance de vie mais l’amélioration de traitements à destination de femmes non malades…
    6) Je vous rappelle enfin qu’en cas de cancer féminin les hommes prennent 7 fois plus la tangente que les femmes dans la même situation.
    7) Il faut donc informer les femmes sur le chiffre des complications et des sur traitements. Une information objective et non un diktat inconsensuel.
    Bonne journée.

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  3. Bonsoir,
    Je pense comprendre vos arguments, et ils peuvent sembler raisonnables et je suis globalement assez d’accord avec vos réflexions mais pas avec leur conclusion.

    Effectivement, une étude n’est pas suffisante pour décider d’une intervention, le bénéfice de l’intervention pouvant être lié au hasard.
    En revanche, il s’agit ici de dépistage, c’est à dire d’une intervention systématiques chez des personnes présumées saines qui n’ont rien demandé. Ceci n’est éthiquement possible que si l’on a démontré que l’intervention était indiscutablement plus utile que néfaste.

    Or, on dispose ici, non pas d’une seule étude mais d’un faisceau d’arguments qui montrent que le bénéfice du dépistage a été surévalué, les risques sous estimés : (liste non exhaustive) :
    – Absence d’effet visible du dépistage du cancer du sein sur la mortalité par cancer [1]
    – Absence de réduction significative des cancers du sein avancés [2]
    – Les courbes d’incidences ne suivent pas l’aspect qui évoquerait un dépistage efficace [3]
    – Les autopsies systématiques retrouvent d’autant plus de cancers non connus (et lésions dites précancéreuses, celles que montrent très bien les mammo) que l’on cherche avec plus de soin chez des femmes en âge d’être dépistées, bien plus que le nombre attendu. [4]
    – Fort accroissement des nouveaux cas avec le dépistage insuffisamment compensé par la réduction à l’issue du dépistage. [5]

    Bien sûr aucun de ces arguments n’est preuve en lui même, notamment lorsqu’ils sont issus d’études observationnelles. Mais le faisceau est suffisant pour que l’on remette en cause le dépistage et relance des études avec des observateurs indépendants.

    Pour revenir à la « seule étude » montrant qu’un pourcentage non négligeable des petits cancers invasifs dépistés régressent spontanément, elle est suffisamment parlante pour remettre en question le modèle d’histoire naturelle du cancer du sein, surtout si on l’associe aux autres observations citées ci-dessus, et au fait que les régressions spontanées ont été démontrées dans d’autres types de cancers.
    La réaction correcte alors est de chercher à reproduire le phénomène dans un essai randomisé. Il n’est pas besoin d’un essai très long (6 à 8 ans). Cela pourrait être fait sans grands moyens supplémentaire, en utilisant les structures existantes, à la condition que les évaluateurs soient indépendant des structures de dépistage, et les femmes informées des enjeux…
    ———–
    Je ne met qu’une référence par thème, mais bien sûr il y en a d’autres.
    [1] Gøtzsche PC, Jørgensen KJ « Screening for breast cancer with mammography (Review) » The Cochrane Library 2013, Issue 6 http://www.cochrane.dk/research/Screening%20for%20breast%20cancer%202013%20CD001877.pdf
    [2] Autier P., Boniol M., Middleton R., et al. « Advanced breast cancer incidence following poupulation-based mammographic screening » Annals of Oncology 22 : 1726-1735, 2011 http://annonc.oxfordjournals.org/content/22/8/1726.long
    [3] Zahl P.-H., Jørgensen K. J,. Gøtzsche P. C. « Lead-Time Models should not be used to estimate overdiagnosis in Cancer Screening » http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4139512/
    [4] Welch H. G., Scwartz L. M., Woloshin S.: « Le Surdiagnotic : Rendre les gens malades par la poursuite de la santé », 2012 edition PUL
    [5] Jørgensen K. J., Gøtzsche P. C. « Overdiagnosis in publicly organised mammography screening programmes: systematic review of incidence trends » BMJ 2009;339:b2587 http://www.bmj.com/content/339/bmj.b2587

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    1. Merci de votre argumentaire parfaitement documenté. Ne pensez-vous pas difficile une étude proposant un suivi simple à une patiente atteinte de petit cancer invasif ?
      Peut-être faudrait il affiner la notion de dysplasie cellulaire sur les cellules mammaires, afin de mieux déterminer, comme en pathologie digestive, les dysplasies de bas grade et moyen grade, qui peuvent évoluer ou régresser, des dysplasies de haut grade dont les chances de retour en arrière sont moindres, et sur lesquelles on est interventionnel.

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      1. L’essai que je proposais était beaucoup plus simple :
        Proposer à des femmes qui n’ont jamais eu de mammographie de participer à un essai dans lequel une sur deux est tirée au sort pour débuter le dépistage à l’age habituel et l’autre moitié pour le débuter 6 ans plus tard. Si le premier (et le deuxième par sécurité) tour du groupe contrôle ne permet pas de ramasser autant de cancers invasifs à age égal que dans le groupe dépistage habituel, c’est qu’une partie des cancers invasifs détectés dans le groupe dépistage aurait disparu spontanément.
        il n’y aurait pas de perte de chance par rapport au dépistage actuel, du fait de l’absence de preuve d’efficacité du dépistage tel qu’il est pratiqué. Les femmes du groupe intervention auraient un risque accru de surdiagnostic, mais pas plus que pour le dépistage habituel.
        Un tel protocole résoudrait la critique qui a été soulevé d’une forte modification du risque de cancer entre les deux groupes qui étaient décalés de 6 ans dans l’étude de Zahl mentionnée dans votre article (Zahl P.-H., Moehlen J., Welch H.G. « The Natural History of Investive Breast Cancers Detected by Sreening Mammography » Arch Inten Med Vol 168 (n°21) Nov 24, 2008 http://archinte.jamanetwork.com/article.aspx?articleid=773446).

        Par ailleurs, si l’on reconsidère l’histoire naturelle du cancer du sein selon un schéma non linéaire, avec des tumeurs pouvant avoir des phases de croissance rapide , de stagnation et de régression, il n’est pas dit que l’on puisse un jour différentier les tumeurs qui évolueront de celles qui n’évolueront pas, que ce soit par l’histologie ou par la génétique.
        Une hypothèse est que les tumeurs soient similaires au départ (avec leurs diversités) mais que la poursuite du développement, la stagnation ou la régression dépende au moins en partie de facteurs externes à la tumeur (immunité, possibilités d’angiogénèses, radiations ionisantes, stress chirurgical, dissémination de cellules cancéreuses lors des biopsies, affection intercurrentes…).
        Bien sûr, il est aussi possible que l’on puisse discerner différents stades d’agressivité, avec des probabilité différente de développement rapide…, mais pour cela il faudrait effectivement faire un suivi non interventionnel ce qui est beaucoup plus difficile à justifier qu’un simple arrêt du dépistage. Cependant les tumeurs à développement rapide échapperont toujours au dépistage, alors que celle à développement lent ou stagnante seront facilement dépistées, ce qui rend moins probable l’espoir de pouvoir un jour différentier les petites tumeurs à traiter de celles qui ne donneront pas de maladie cancéreuse.

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      2. Compte tenu de la faible adhésion au dépistage, cet essai serait intéressant.
        Sans faire un essai, chez un radiologue faisant du dépistage, quel est l’âge moyen au premier dépistage ? y a t’il plus d’anomalie dépistée quand l’âge est plus avancé ? c’est déja une partie de votre étude !
        Très intéressante idée, en tous cas.

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  4. Chère consoeur,

    En préambule et avant toute chose, je souhaite vous détromper sur le fait qu’il soit ‘de bon ton » de contrer le dépistage ; j’en ai fait l’amère expérience dans ma région, étant radiologue et simplement désireuse, non pas d’aller contre, mais d’apporter une modeste information aux femmes, que l’on peut trouver sur la page d’accueil de http://www.cancer-rose.fr
    J’ai reçu courriers peu amènes et menaces des gens de la Ligue de ma région ainsi que de mon propre syndicat des radiologues…
    Et donc pour rebondir sur votre article je me permets de vous signaler l’étude Harding parue cet été, que vous pourrez trouver ici : http://cancer-rose.fr/surdiagnostic/etudeharding/
    qui montre une sérieuse contradiction à ce que les pouvoirs publics affirment , à savoir qu’une augmentation de la participation améliorerait le rendement du DO , il n’en est rien. Au contraire : l’augmentation de participation entraîne :
    une augmentation du nombre de diagnostics de cancers du sein (+16 % pour une augmentation du participation au dépistage de 10%), essentiellement par des tumeurs de moins de 2 cm.
    une absence de réduction de la mortalité par cancer du sein
    une absence de réduction du nombre de cancers du sein avancés
    une absence de réduction des mastectomies.

    L’autre problème est en effet que l’on voudrait réduire les traitements lourds, or les mastectomies ont augmenté, les chimiothérapies également et les radiothérapies ont explosé…
    Lorsque vous dites qu’il vaut mieux traiter un « petit truc  » plutôt qu’un gros, c’est bien là la pierre d’achoppement, le petit truc ne va pas forcément devenir le gros ; le petit truc pourrait être ignoré, ou bien il pourra être d’emblée féroce. Dans les deux cas le DO fait du dégât ou n’apporte rien : le petit truc qu’on pouvait ignorer sera dépisté et donc traité, le petit truc à vocation d’être très méchant condamnera quand-même la patiente, car le pronostic de ces cancers d’emblée agressifs ou métastatiques , justement, reste inchangé, qu’on les prenne en charge tôt, ou bien tard…Et d’ailleurs échappent au dépistage, car se développent vite et dans l’intervalle de deux mammos.

    La mortalité par cancer du sein a bien diminué depuis 30 ans, mais cette baisse concerne PLUS les femmes de tranches d’âge non concernées par le DO, et est dû aux améliorations thérapeutiques.
    Pour mieux comprendre ce qu’on attendait du DO et ce qui est vraiment advenu, je vous conseille le petit schéma explicatif ici : http://cancer-rose.fr/surdiagnostic/ce-quon-attendait-du-depistage-ce-qui-est-arrive/

    Dans les statistiques de mortalité par cancer du sein, ce qui est bien plus gênant, c’est qu’on n’intègre jamais la mortalité imputable au surtraitement : coronarites radiques, cancérisation de la paroi thoracique, complications emboliques des traitements anti-hormones, et croyez-moi, j’en vois!

    Quant au côté marketing, non, là, il faut cesser ça rapidement. Transformer les femmes en bonnes acheteuses-coureuses en les infantilisant par des stéréotypes idiots est tout à fait délétère. Par ailleurs, de quel droit des ex-malades s’arrogent-elles des compétences pour haranguer les bien-portantes (car le DO s’adresse à des bien -portantes, ne l’oublions pas !) à se faire dépister, de quel droit brandissent-elles leur maladie en étendard prosélyte? De quel droit se posent -elles en porte-parole de toutes les femmes ? Vivre et laisser vivre ! Que celles qui veulent se faire dépister le fassent, mais de grâce lâchez-nous avec vos slogans culpabilisants et avec cette campagne quasi-coercitive !

    Encore une fois, l’information des femmes doit primer si elles veulent être actrices de leur santé, et je vous renvoie donc à la brochure en page d’accueil de notre site, qui n’est pas militante mais faite dans un but pédagogique, et qui vous laissera faire votre choix.

    Bien cordialement, Cécile Bour

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