Certains s’en vont, petit à petit, à pas de loup
Cela leur prend des années
Par petits pans de mémoire s’effaçant tout doux
Laissant l’entourage longtemps douter
Toi c’est à pas de géant
Que ton cerveau est devenu un océan
De circonvolutions mélangées
De personnalité désagrégée
Noël arrive et je me souviens …
Il y a un an
De petites alertes sur lesquelles on restait rassurant
En se disant, j’ai rêvé, ce n’est rien
Il y un an, tu tenais toujours ton rôle
Celui que l’on ne trouvait pas toujours drôle
Le rôle de LA mère ciment
Celle qui n’avait jamais fini d’élever ses enfants
La mère en hypervigilance
Celle qui disait encore à toute sa descendance
Ou étais tu ?
Que faisais-tu ?
Appelles quand tu arrives, j’ai peur quand tu es sur la route…
Celle qui, de nos vies, était toujours à l’écoute.
De petits troubles en vraies alarmes
A toute vitesse, soudain, tu as perdu ta flamme
La défaillance
S’est faite évidence
A Noel 2014, au lieu du traditionnel gâteau
Tu es venue avec le beurre et les œufs
Tu n’as offert aucun cadeau
On a commencé à comprendre qu’allait un peu s’éteindre le feu
Durant cette longue année
Tu ne cesseras de nous étonner
Si vite tu ne sauras plus entreprendre
Si vite tu vas tout désapprendre
Se laver, s’habiller
Manger..
Mais sans aucun complaisance
Pour tes enfants et leur impuissance
Tu vas te bagarrer contre ces évidences
Avec une implacable pugnacité
Jamais ne t’a quitté ton éternelle impatience
Et tu as semé d’embuches un chemin que l’on voulait tant te faciliter
Dans le cocon de ta chambre tu voulais t’enfermer
De l’aide ? Mais je n’ai besoin de rien ni personne
Hurlais-tu comme une diablesse fanfaronne
A tes enfants épuisés
De ne pouvoir réussir à chez toi douillettement te laisser
Une glissade incontrôlable
Dans l’enfer de la démence
A rendu inenvisageable
A ton domicile toute présence
Est venu si vite le moment du si douloureux choix
Celui d’enlever son parent de son chez-soi
Car il n’est plus en dignité
Ni en sécurité
En un an, j’ai, nous avons perdu notre mère
Physiquement, tu es encore sur terre
Mais ta tête a pris un chemin empli de mystère
Maman, j’ai 60 ans
Et tant envie de te raconter encore ma journée
Tant envie de retrouver ces manies qui m’exaspéraient souvent
Tant envie de pouvoir avec toi encore partager, discuter, voire disputer
Et ce que je te dis ne t’intéresse plus
Dépassée par ta propre défaillance, tu n’es que refus
Tu es toujours là
Mais déjà tu n’es plus là …
Un nouveau Noël arrive et je pleure
C’est tellement vrai ! Mon gendre aurait pu écrire ce poème. Mots pour mots…
Ce poème est bouleversant, je le dédie, si vous le permettez, à Yvette, cette maman elle aussi partie dans un monde où son fils n’a pas de place.
Merci.
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Merci pour ce superbe poème, tellement vrai dans cette situation mais transposable au départ de toutes les mamans, à n’importe quel âge.
Je vous souhaite que, jusqu’au bout, votre maman soit aidée et rassurée.
Affectueusement+++
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merci Marion, ton poème m’a touchée aux larmes, je souhaite à cette vieille dame qui a été ta mère d’être traitée avec humanité,
puissions nous ne jamais imposer cette situation à nos proches
Je t’embrasse
Méhine
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Merci Méhine, chacun et chacune, comme tu sais, traverse des moments difficiles.
Ma mère est dans une super maison de retraite, car par chance on peut lui offrir cela. Un souci de moins.
A bientôt.
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