Petit cancer du sein deviendra t’il grand ? Faut-il le dépister ?

En matière de prévention et de dépistages, le remue-méninge de ceux qui sont contre domine souvent les échanges des réseaux dits sociaux.

Le dépistage du sein n’échappe pas aux controverses. Convictions contre convictions, croyances contre croyances, cas individuels érigés en généralités, articles lus et rapportés sous l’angle de ce que l’on y cherche, les échanges sont nombreux.

Ce qui est sur, c’est que la connaissance et les progrès médicaux n’avancent pas au rythme que l’on aimerait. Il en est ainsi des actes de prévention. Ont-ils le mérite d’exister, apportent t’ils vraiment une amélioration de la santé publique, ou bien le fait qu’ils soient faillibles à titre individuel doit-il les faire bannir les uns après les autres ? Faut-il directement passer à la trappe le dépistage du cancer du sein, les vaccins de toute sorte, et bien d ’autres préventions ou dépistages remis en cause par certains ? Ou peut-on être plus objectif que subjectif ?

Pour le cancer du sein, ceux qui sont « pour » disent qu’il vaut mieux découvrir un petit cancer qu’un gros cancer. Ceux-là pensent que le paramétrage des cellules néoplasiques leur confère la vocation de devenir rapidement invasives et de remplacer à terme le maximum de cellules normales d’une personne. Ceux qui sont « contre » disent que certains petits cancers ne seraient jamais devenus grands, et auraient même régressé, donc que le dépistage est générateur de surdiagnostics dans 22% des cas, d’après les calculs, et par conséquent de surtraitements. Ils adhèrent à l’idée qu’un cancer visible un jour est susceptible de disparaître spontanément, ou de ne jamais évoluer.  Ils allèguent aussi que le dépistage de plus en plus répandu du cancer sein n’aurait pas fait baisser la mortalité de ce cancer. D’où leur conclusion : en terme de santé publique ce dépistage ne sert à rien, et en terme individuel de nombreuses femmes risquent d’être traitées alors qu’elles n’en auraient pas eu besoin si on n’avait rien cherché.

C’est vrai qu’on connait maintenant certains cancers à faible évolutivité. Notamment ceux de la prostate et de la thyroïde. Pour autant, on ne parle pas de cancers possiblement régressifs, mais seulement lentement évolutifs.

Et si dans le sein, il en était de même ?  Et si dans le sein, il y avait des cancers petits destinés à rester petits ou grossir très lentement, et à l’opposé des cancers petits au début mais agressifs et susceptibles de grandir rapidement ?

Si on savait quelle est la différence entre un petit cancer qui va rester petit et un petit cancer qui va devenir grand, il y aurait surement certains petits cancers sur lesquels on ne s’acharnerait pas et d’autres sur lesquels il faudrait être impitoyable.

Comment différencier ces 2 sortes de cancers du sein, le gentil et le méchant ?

Surement pas avec une simple mammo. Sur la photo, petit cancer restant petit/ petit cancer qui va grossir se ressemblent comme 2 nodules.  Pour départager, une simple surveillance des photos n’est pas une bonne idée. Le pronostic étant lié en grande partie à la taille du cancer dépisté, il vaut mieux connaitre son stade au plus vite, car si on attend la nouvelle photo 2 ans plus tard, le cancer petit et méchant sera devenu grand et méchant, et il sera trop tard pour le traiter efficacement.

Une nouvelle étude s’est donc récemment posée cette question : dans quel délai un petit cancer du sein est t’il susceptible de devenir grand et méchant ? **

L’étude a comporté 3 temps

1) Répertorier et classer toutes les tumeurs d’une base de cancer, entre 2001 et 2013.

Les tumeurs étaient classifiées en 3 groupes

  • De mauvais pronostic (grade 2 RE- RP-, grade 3 RE- RP-, grade 3 RE+ RP-, grade 3 RE- RP+),
  • De bon pronostic (grade 1, RE+ RP+, grade 1 RE+ RP-, grade 1 RE- RP+)
  • A pronostic intermédiaire (les autres)

2)  Déterminer pour le « délai de latence » dans chacun des groupes.

Le délai de latence est le délai entre la détection par mammographie et la détection par l’examen clinique (palpation d’un nodule) si l’on n’avait pas fait de dépistage.

3) Définir le « surdiagnostic »

Les femmes concernées par le surdiagnostic sont celles qui sont mortes avant le délai « de latence de la tumeur qu’elles avaient. Elles sont donc décédées d’autres maladies que leur cancer du sein. Chez ces femmes, le cancer du sein n’aurait jamais fait parler de lui, et donc on considère qu’elles ont été victimes de surdiagnostic.

 Au final ça donnait ça :

Petit cancer gentil (de bas grade) versus petit cancer méchant (de haut grade)

petit cancer

 

     Les conclusions de l’étude :

  • Seuls certains cancers évoluent de manière agressive et rapide, tandis que beaucoup de petites tumeurs détectées par le dépistage ont un très bon pronostic en raison d’une croissance intrinsèquement lente, qui fait qu’elles n’ont pas vocation à devenir de grosses tumeurs et qu’elles sont de nature favorable.
  • Les petites tumeurs non agressives sont celles des surdiagnostics. Le chiffre de 22% de surdiagnostic semble le bon, plus chez les femmes de plus de 60 ans, car elles sont plus atteintes de forme à évolution lente. Découvrir à 60 ans et traiter une tumeur qui se serait développée très lentement et manifestée 15 à 20 ans plus tard en laissant même le temps de mourir d’autre chose , voila du surdiagnostic.
  • On se focalise sur la taille des tumeurs en tant que facteur de gravité. En réalité, mieux vaut avoir une tumeur volumineuse avec un statut biologique favorable  qu’une petite tumeur avec statut biologique défavorable.

Le facteur évolutif important est donc la caractéristique biologique des tumeurs et pas seulement la taille.

Nous avons donc compris maintenant qu’un lot de tumeurs du sein ne sont pas des tumeurs agressives. En revanche, elles restent pour le moment difficiles à différencier avec certitude des tumeurs rapidement évolutives. Ces tumeurs de haut grade ont une cinétique de croissance très rapide, pouvant échapper à une mammographie bisannuelle, et alors découvertes à un stade avancé. De plus, elles sont plus fréquemment rencontrées chez les femmes de moins de 40 ans, donc avant le début du dépistage.

Tout ça c’est bien beau, mais c’est une étude rétrospective… c’est bien plus facile de dire à posteriori que tel ou tel cancer du sein aurait évolué plus lentement. C’est encore plus difficile à l’heure actuelle d’en tirer la conclusion que certaines tumeurs découvertes en mammo n’auraient pas d’indication thérapeutique et pourraient bénéficier d’une simple surveillance.

Le dépistage mammographique dépiste beaucoup d’images, celles-ci cachent des cancers d’évolutivité différente. La science nous apprend petit à petit que les cancers dépistés peuvent être de nature différente selon les marqueurs qu’ils possèdent. Et qu’en conséquence les traitements doivent être différents. Mais pour le moment, même en sachant ça, rien ne prouve qu’il ne faut pas dépister. Il faut surtout axer la recherche pour permettre des traitements adaptés à chaque caractéristique tumorale, et donc éviter des traitements lourds à des femmes qui n’en ont en fait pas besoin.

Mon avis est le suivant, mais n’engage que moi :

Plutôt que de remettre en cause le dépistage en l’état des connaissances actuelles, il vaudrait mieux travailler la question algorithmes thérapeutiques adaptés aux petites tumeurs non agressives. Ne rien faire, surveiller, traitement allégé avec exérèse simple? Cela commence à se faire, avec des réticences, car toute femme se sachant atteinte d’un cancer du sein, même petit, même de bon pronostic, réclame un traitement optimal, et souvent maximal, pour être assurée de guérison définitive. . On saura mieux maîtriser la partie suivi et la partie thérapeutique d’ici quelques années.

 

 

* * http://www.nejm.org/doi/pdf/10.1056/NEJMsr1613680

Are Small Breast Cancers Good because They Are Small or Small because They Are Good?
Donald R. Lannin, M.D., and Shiyi Wang, M.D., Ph.D.

N Engl J Med 2017; 376:2286-91June 8, 2017DOI: 10.1056/NEJMsr1613680

2 commentaires sur “Petit cancer du sein deviendra t’il grand ? Faut-il le dépister ?

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  1. Bonjour; et toujours ce doute:

    Du Daily Mail qui n’est pas le journal le plus fiable.

    ‘If you have any doubt in your mind, check it out’: Harrowing stories of two breast cancer survivors who missed the symptoms because they thought their BRAS simply didn’t fit properly
    Is your ‘ill-fitting bra’ actually breast cancer?
    Emma Line, 28, from Derby (right, during treatment) and Louise Stewart, 44, from London (left) are two survivors bravely speaking out after they battled the disease later than necessary because they were unaware what needing to buy new lingerie meant. Today both are in recovery but want to warn other women not to ignore breast pain, as the earlier cancer is treated, the better the prognosis for survival.

    Merci de votre patience

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  2. Bonjour Veuillez m’excuser si ceci est déjà passé et si c’est hors sujet. Mon ordinateur est en réparation

    Bonjour; Je vous prie de m’excuser, je vais être hors sujet et de plus
    mon ordinateur est en rep et celui-ci n’a que la moitié des touches
    Je suis fils d’immigrés économiques (Suède et Allemagne) mon épouse est
    belge et ma retraite payée par l’ONU.

    Notre gratitude envers la France est sans limite. Lorsque Annie a eu son
    cancer du sein elle a été traitée merveilleusement par l’Equipe de
    Meulan (Yvelines), jamais quelqu’un ne lui a dit qu’elle ne le méritait
    pas, pourtant avec ce que j’ai payé d’impôts en France vous ne pourriez
    pas couvir un heure de déficit fiscal

    Je ne vois pas ce que l’Equipe aurait pu faire de plus.

    Mes géniteurs n’ont pas laissés de grands messages mais tous deux ont
    dit « Ce pays nous a accueuillis sans restrictions et jamais jamais nous
    ne devons lui tourner le dos ou faire la grimace.
    Le traitement du cancer est un exemple de la belle et bonne médecine.
    Travail en groupe, médecins, infirmières, soignantes, tous sur le meme
    plan. Magnifique lutte contre la douleur et l’angoisse. Totale
    Sincérité. On a presque envie d’avoir un cancer du sein.

    Soyez fiers d’être Français et soyez fiers des impôts que vous avez payés.

    Un aveux?

    J’ai et Annie aussi, eu honte que la France paie le taxis pour aller à
    la radio thérapie à une heure d’ici. Et ce n’est pas une 4L.
    Pour vous qui êtes spécialistes, il paraît qu’entre vous des discussions
    se tiennent sur les doses de rayons et qu’il est difficile de savoir
    quel moment on a été trop loin ou pas assez loin. Mais nous avions
    tellement confiance en vous que nous n’avons cherché aucune information
    autre.

    Merci la France
    Merci aux Français

    C’est vrai que si vous venez en Suède vous y serez aussi bien traités,
    mais ce n’est pas l’objet de ma confession

    J’aime

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