Rembourser ou non l’effet placebo ?

L’an dernier, j’ai signé de mon plein gré, avec mon petit stylo, sans être sponsorisée par aucun lobby, une tribune rédigée par un groupe de médecins (beaucoup de jeunes, mais pas que) décidés à en finir avec le remboursement par la sécurité sociale de pratiques non validées scientifiquement.

Nous n’étions pas beaucoup de signataires, 124, ce n’est pas grand monde.

Le Figaro a décidé de relayer le texte … 

Une chose assez incompréhensible s’est ensuite produite. Un grand lobbyratoire français s’est insurgé contre ce texte, mais insurgé de chez insurgé, et a décidé de faire du bruit autour de ces 124 petits docteurs, tous isolés dans leur cabinet. C’était surement assez idiot, comme initiative. Car cette tribune demandant le déremboursement de pratiques alternatives, serait tombée dans un oubli rapide et total en l’absence de la caisse de résonnance que lui a donnée le labo et ses lobbys.

Peut-être croyaient t’ils avoir affaire à des gens aussi puissants qu’eux, soutenus par une organisation solide et efficace. Toujours est-il qu’ils ont décidé d’attaquer de manière super voyante, agressive, en assignant plus de la moitié des signataires de la tribune en justice. Ils n’ont pas pu, ce faisant, ne pas s’apercevoir que ce n’était que des docteurs de quartier, tous occupés bêtement à faire de la médecine quotidienne (mais dont certains connaissant également la valeur des publications scientifiques).

D’une tribune qui aurait fait juste un article passé inaperçu dans le Figaro, ce grand lobbyratoire français a fait le tremplin de sa perte. En amplifiant la voix des médecins basiques, non organisés, qui avaient rédigé et signé ce texte, ils les ont poussés à se regrouper en collectif, à se renseigner, à étayer à posteriori leurs dires. Et, la, oh surprise, les faits ont été plus qu’étayés. Pas moyen pour le grand labo avec comité de recherche, crédits recherche de l’état, de prouver par une seule véritable étude clinique, que quelques-uns de leurs produits avaient une vraie vertu thérapeutique. Pourtant, très simple et sans danger, de prouver cela dans quelques cas. Le vaccin homéopathique de la grippe marche ? 2 groupes de 500 ou 1000 personnes. Un groupe vacciné classiquement, un groupe vacciné homéopathiquement. Combien de grippes dans chaque bras ?

Après plus d’une année d’attaques de la superpuissance lobbyiste envers les 124 petits signataires docteurs de quartier, le phénomène a pris de l’ampleur. Et l’homéopathie est à la porte du déremboursement !

Le lobbyratoire dans un sursaut agonique de riche se démène chaque jour un peu plus . Campagne de pub, affichage, spots télé, appel à signatures d’utilisateurs bien-portants et bien contents des granules. En sus, depuis quelques jours, suite à avis préliminaire négatif HAS, danse du verbe sur Twitter et autres supports de communication autour du déremboursement éventuel de l’homéopathie. Enfin, ce n’est plus seulement du verbe, ça vire à l’insulte, à la menace. Les 124 ne font rien, que répondre. Ils n’ont pas de budget pour cela. Par contre, ils ont de l’humour, des soutiens, et cela attise  la virulence de leurs adversaires. 

Ce déremboursement me fera plaisir. En effet, je n’ai rien, absolument rien, contre l’homéopathie, comme l’ensemble des signataires de la tribune FakeMed (je m’engage en leur nom). Je me contrefiche que des gens aient envie de bouffer de l’homéopathie. Le truc qui me dérange c’est qu’on leur laisse croire que c’est médical. L’autre truc qui me dérange c’est que la sécu leur paye ça. Et les 2 iraient ensemble. En effet, remboursement semble équivaudre à efficacité thérapeutique. A preuve, les nombreux médicaments déremboursés ces dernières années du fait d’un service médical rendu (SMR) considéré comme insuffisant.

Plus largement, cette histoire de remboursement de l’homéopathie interroge.

Sur l’obsession des patients en France à avoir une prise en charge sécu pour tout. Y compris pour des médicaments sans preuve d’efficacité. Sans preuve tangible, c’est-à-dire, obtenue par une étude en double aveugle tout simplement. Juste parce qu’ils ont envie d’en prendre et qu’ils aiment ça. Ca interroge sur ce que l’on attend de la sécurité sociale dans notre pays.  On attend que le remboursement valide l’action ? Un déremboursement sécurité sociale enlèverait donc à un médicament sa qualité de médicament ?  Un médicament déremboursé serait un médicament mort ? Ce n’est pas ce que pensent tous ceux qui ont des problèmes hémorroïdaires et qui payent de leur poche crèmes et suppositoires non remboursés. Demandez aussi à tous les dénutris, auxquels la sécu ne rembourse aucune vitamine, fusse t’elle indispensable à leur survie. Ils se payent leurs médicaments, parce qu’ils savent en avoir besoin et bénéfice. Et tous les douloureux de la gorge qui continuent à s’offrir à leurs frais des collutoires déremboursés. Eh bien, désormais ceux qui veulent se traiter par l’homéopathie pourront réfléchir de la même manière. Qu’y a-t-il la de choquant ? d’autant moins que choquant que les flacons de granules valent peu cher.

Comment expliquer que les français estiment en masse que la sécu doit tout leur payer, y compris les granules homéopathiques à quelques euros, qui sont, plus que tous ceux que j’ai cités ci-dessus, des médications de confort… ce que confirment bien les homéopathes, qui allèguent à l’envie l’effet placebo de leurs molécules. L’effet placebo remboursé sécu, en l’état des finances de la dame, n’a surement plus lieu d’être à l’heure d’aujourd’hui.

Le déremboursement de l’homéopathie constituera un test. Il permettra de voir à quoi sont attachés les patients. Seront t’ils aussi férus de ces thérapeutiques alternatives, aussi persuadés de leur efficacité si la sécu ne les prend plus en charge. Ou vont t’ils s’en détourner ? Ce sera aussi un test pour le corps médical. D’un côté, pas de problème pour des médecins dont l’homéopathie assaisonne la pratique habituelle, histoire juste de donner un truc à un patient qui n’a pas grand-chose à soigner. Et de l’autre l’obligatoire remise en question des docteurs qui en ont fait une pratique quotidienne, différente, et qui vont être contraints de revoir leur copie si leurs patients refusent les médicaments ainsi donnés parce que pas remboursés. Cette histoire ne va pas manquer d’intérêt. Amusons-nous un peu à observer ce qui va se produire. Pourquoi les homéopathes ont-ils si peur du déremboursement ? En effet, Si l’homéopathie marche, ou du moins répond à une vraie demande, elle devrait logiquement continuer à se vendre aussi bien !

2 commentaires sur “Rembourser ou non l’effet placebo ?

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  1. Bien d’accord avec vous, l’action du Lobbyratoire est balotte et contre productive !
    la question est : faut-il rembourser un effet placebo ? à la réflexion , pourquoi pas ?
    en effet , le médicament allopathique jouit d’un prestige scientifique reposant sur une médecine fondée sur les preuves . mais tout compte fait , ces preuves sont elles infalsifiables d’une part ? et d’autre part ne demandent-elles pas un financement énorme d’autre part ? . l’énormité duquel impose des bénéfices en rapport avec l’investissement donc un ou des brevets exclusifs sur le produit .
    dès lors tout ce qui ne coûte rien , car sans brevet , ne sera pas finançable : les médicaments homéopathiques bien sûr ,mais aussi la vitamine D3 , dont les effets non classiques , par exemple immunitaires , sont d’un intérêt très sous estimé en santé publique vu l’énorme prévalence des carences qui va croissant et les quelques dizaines de milliers de publications medline qui prouvent son immense intérêt .
    aussi peut-on reprocher aux médicaments homéopathiques de ne pas être basés sur les preuves alors que leurs études ne seront financées par personne ,même pas par le Lobbyratoire , qui a choisi plutôt d’investir dans le juridique ? problême non ?
    Par ailleurs , si vous allez sur le site anglais du Pr Peter C Götzsche
    http://www.deadlymedicines.dk/ vous tomberez sur la donnée que la 3ème cause de mortalité après les cancers et les affections cardiovasculaires sont les accidents médicamenteux dans nos populations occidentales . si nos connaissances sur le médicament allopathique étaient adéquates , pensez-vous que nous pourrions aboutir à ces quelques centaines de milliers de morts annuelles , sur lesquelles
    le prestige des études randomisées en double insu est d’une discrétion de violette ?
    pourquoi pouvons nous encore prescrire du celebrex ou du motilium en France , alors que le danger mortel de ces produits est avéré ?
    dès lors , étant donné qu’un placebo , outre le fait d’avoir un effet , ne tue qu’en présence d’une érreur de diagnostic par défaut et donc épargne théoriquement les cliniciens chevronnés , ne devrions nous pas considérer qu’un médicament qui ne tue jamais et parfois soulage des symptômes , au moins par son effet placebo , ne devrait pas rougir par rapport à ceux qui tuent furtivement et en toute bonne conscience ,
    mais basés , fort heureusement , sur des preuves …..frelatées ?

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    1. Personnellement, je dirais que dérembourser ces produits homéo constituerait un test. Puisque les producteurs affirment qu’ils ont un réel effet thérapeutique, et puisque ce n’est pas cher, les gens devraient continuer à en consommer !

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