Cette petite patiente toute frêle n’a pas cinquante ans, tout juste 48 .
Quand je l’ai vue en consultation en novembre, on me l’adressait au motif d’un probable cancer de stade avancé avec un foie rempli de localisations cancéreuses. Il est vrai qu’elle faisait pitié, maigre, malingre même, avec sa jaunisse bien cognée, et son foie dur comme de la pierre. La pauvre, on lui donnait quelques semaines, comme ça, à la regarder, pas plus, vraiment
L’hospitalisation apporte la surprise. Pas de cancer dans ce foie… c’est un (banal !) foie nodulaire de cirrhose à un stade avancé. Cirrhose alcoolique d’ailleurs, bien que pas avouée. Avec une insuffisance hépatique cognée, dont témoigne une coagulation sanguine totalement en débacle, les facteurs de coagulation étant normalement issus du foie… et déjà une ascite, passage de liquide dans le péritoine, qui signe l’incapacité du foie à évacuer les déchets de l’organisme. Tout cela est quand même un peu soignable, bien que pas curable, on peut espérer stabiliser.. par ailleurs, une telle patiente, si elle arrête de boire, pourrait bénéficier d’une greffe du foie, s’il s’avère que son foie n’assure plus ses fonctions du tout
Mais voila que surgit un autre problème. Exit certes le cancer du foie, primitif ou secondaire, mais on a découvert une tumeur dans le petit bassin. Et, la c’est un casse tête de la médecine moderne. Certes l’imagerie est réalisée. Elle a tout passé, scanner, IRM, Tep scanner. Mais, hélas, l’imagerie ne donne pas un diagnostic. Pour obtenir le diagnostic, et par conséquent la décision thérapeutique, on a besoin d’un prélèvement.. Et alors, ça se complique. Prélever par une piqure directement dans la masse est un geste simple. Seulement, pour elle c’est contre indiqué du fait de la présence de l’eau dans le ventre. L’eau se résorbe, certes, mais la coagulation sanguine est très basse et le risque hémorragique de prélever de cette manière est conséquent.
Il ne reste que l’option de la chirurgie. Mais quelle chirurgie ? retirer une lésion d’emblée, dont on ne connait pas la nature bénigne ou non, chez une patiente avec un tel risque opératoire ? Vraiment trop risqué ! ni le chirurgien ni l’anesthésiste n’acceptent de faire prendre de tels risques a une patiente si fragile seulement pour établir un diagnostic.
Nous voici donc pour l’instant, face à une impasse diagnostique. Bien que cette situation soit heureusement rare, il arrive que les pathologies des patients soient tellement nombreuses et tellement intriquées que l’une contre indique les explorations de l’autre. On finira par trouver une solution , probablement par la décision collégiale, lors du staff demain, de faire le geste le moins risqué, à savoir un simple prélèvement par le radiologue sous contrôle de scanner ; en espérant avoir ainsi le diagnostic.
Difficile de se dire que ces deux problèmes pris un par un connaissent des procédures standardes et « banales »
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Pour la banalité, se souvenir que nous sommes en France, et la cirrhose est hélas une banalité surtout quand elle est d’origine alcoolique. Disons peut-être un peu moins chez la femme Pour la standardisation, c’est vers quoi la médecine tend actuellement, en édictant des consensus, des protocoles de prise en charge, qui sont en fait des règles de bonnes pratiques en effet standardisées. Si les patients ne souhaitent pas que la médecine devienne du protocole standard, avec des médecins contraints de se conformer à des protocoles non seulement de diagnostic, d’examens autorisés, de traitements obligatoires, eh bien il serait temps qu’ils s’en rendent compte et soient à côté de leurs médecins pour défendre cette libérté.! les médecins se bataillent pour ne pas entrer dans cette ère de contrainte, les médecins ont conscience que la contrainte portera non seulement sur eux mais sur les malades.
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