Pour commencer ce post,
Une banalité : Le modèle de fonctionnement de la médecine est en plein doute, en libéral comme à l’hôpital.
Une réalité : il y a une pénurie de l’offre médicale par rapport à la demande,
Des constatations banales encore, sur les tutelles: la vision comptable et à court terme des dirigeants (ne concerne pas que la santé) et toujours le même remède : ajouter des couches de réglementaire sur des couches déjà tellement complexes qu’elles en sont inutilisables.
Des solutions n’en finissent pas de se faire attendre
Sauf que,
Les médecins dans tout cela ?
Ont-ils encore conscience de leur responsabilité et de leur influence sociétale? (ou sinon, pourquoi l’ont-ils perdue, cette conscience ?)
Que font-ils pour contrer l’immobilisme, voire le rétrogradisme de certains, qui n’acceptent pas que la médecine du 21è siècle n’a plus rien à voir avec celle du 20è siècle, la société a changé, la médecine aussi
Pourquoi la pénurie ne les met-elle pas en position de force ? est-ce parce qu’ils ne sont pas assez proactifs et moteurs sur l’évolution de la santé, qu’ils s’y prennent de travers pour arrêter de subir et mieux maitriser leur exercice?
Sur plein de points, on dirait que les médecins ont tant baissé les bras, qu’ils n’arrivent plus à relever la tête…
Je m’en inquiète, ne crois ne pas être la seule, mais c’est tellement médicalement insupporté de faire des remarques sur le corps médical que peu de confrères s’y aventurent…
– Premier sujet qui interroge, la liberté de prescription. Le dogme sous-entendrait que toute prescription médicale est censée être toujours pertinente. Mettons un bémol : SAUF les prescriptions des autres, ah, ah. Que de critiques d’ordonnance des autres sur les réseaux médicaux !
Trop de bilans inutiles, trop de médicaments sans analyse, ne suivant pas les recommandations, mais chaque médecin est sûr de lui : les dérives prescriptives ne concernent que les autres médecins
Le souci quand une profession pense que chaque individu a raison de faire ce qu’il veut, c’est qu’elle refuse d’entendre qu’on en parle en mal, et refuse de voir les autres professionnels de santé se servir de leur faiblesse prescriptive pour s’emparer de la prescription à leur place.
– Seconde Inquiétude, la faiblesse de la représentation syndicale.
Même si la politique de santé est débile depuis 40 ans, à quoi servent depuis tout ce temps les syndicats médicaux ? Hormis , parfois une petite grêvounette peu suivie, se sont-ils une seule fois mis d’accord pour une évolution concertée de la profession ?
Les médecins savent t’ils que seule la signature des accords conventionnels donne lieu au versement d’une subvention aux syndicats. Quand ta survie dépend de la tutelle qui te nourrit, c’est évident que la signature syndicale est acquise d’avance !
Non seulement dociles sont les syndicats, mais aussi cacophoniques et profondément corporatistes, voire lobbyistes. Arc-boutage sur de vieux poncifs, comme le paiement à l’acte sans changement, rejet de principe de nouvelle forme de rémunération. Demandes ubuesques, et inadaptées, poussées par des lobbys, par exemple en 2023, un syndicat veut faire nomenclaturer des actes de médecine parallèle.
En revanche, ou voit-on des discours syndicaux unanimes visant à faire imposer collégialement des choix rigoureux et clairs, sur la rémunération forfaitaire, le partage de tâche, l’usage du numérique ? Au final les syndicats signent, mais un paquetage imposé, mal négocié, mal ficelé, sans lisibilité, incompréhensible que les médecins ne s’approprient pas.
– Autre inquiétude, dans le contexte du paiement à l’acte si prisé des médecins: Certains dépassements d’honoraires. Soyons clair, je suis pour et j’ai eu le privilège de tester les 2 secteurs, j’ai préféré le 2, il offre un vrai espace de liberté. Mais je ne comprends pas le silence poli des confrères, et la non-ingérence du conseil de l’ordre face à des abus connus de tous. Les quelques praticiens pratiquant des dépassements excessifs nuisent à la notoriété de tous les autres, et à une possible acceptabilité d’honoraires plus élevés. Sur ce sujet, ce serait à la profession de s’auto-gérer, non ?
– Question inquiète sur la réticence au travail en équipe, sur la réticence au partage des tâches avec les autres professions de santé. Certes c’est un big changement de paradigme, oui, mais à force de recul et de dénigrement, le train avance sans le corps médical, et les évolutions sont, une fois encore contraintes et pas maitrisées. C’est d’autant plus idiot que les autres professions acceptent de négocier avec les tutelles autour du travail supplémentaire généré par les nouvelles pratiques. Tandis que les médecins se les voient finalement imposées et sans financement. Un exemple : pour faire un vaccin Covid, le pharmacien perçoit environ 6 euros, et le médecin rien !
– Encore un questionnement aussi sur l’empowerment du numérique par le corps médical.
Même si beaucoup pestent contre leurs logiciels, qui voudrait revenir au temps où la mémoire était dans les dossiers papiers et les articles à garder découpés dans les revues? Il est clair que le cerveau médical ne peut contenir toutes les connaissances, et que l’évolution de la médecine rend vite obsolètes les acquis de fac. Les patients cherchent sur la toile, utilisent les réseaux pour communiquer, les réticences des médecins questionnent. La complexité des échanges entre praticiens, les petits réseaux dysfonctionnels font perdre du temps à la fois au patient et aux soignants
Dans la case numérique, comprenons aussi le dossier médical partagé. Je n’ai jamais compris le refus des médecins de s’y pencher, alors même que le dossier patient est la prérogative du médecin. N’aurait-il pas été plus logique d’accepter de participer à sa construction moyennant rémunération, plutôt que de finalement se le voir imposer et sans contrepartie. Là encore, d’autres professionnels ont su négocier des honoraires de remplissage du dossier en ligne, tandis que les médecins, obstinément dans le front du refus, n’ont rien demandé et donc rien obtenu, sauf d’y être obligés…
Toujours en numérique, quel étonnement de voir un rejet souvent hautain et dédaigneux de la téléconsultation, au nom du sacro-saint examen clinique. Alors que dans la pratique l’examen clinique complet n’existe plus, remplacé par un examen sommaire, voire par l’absence d’examen (celui qui a toujours été examiné en consultation peut me contacter). La médecine à distance fait partie des demandes sociétales auxquelles les médecins vont devoir s’adapter. Pourquoi le faire à contrecœur, pourquoi subir les règles qui seront imposées, au lieu d’en fixer soi-même les modèles de fonctionnement ? .
– Nouveauté dans le paysage médical et très préoccupant pour ma part, ce sont les pratiques alternatives.
Certains médecins en font eux-mêmes. Bof ! Une manière de gagner plus, et d’échapper aux contraintes de la consultation classique. Mais est-ce une belle manière ? Nous sommes nombreux à penser que non.
D’autres encore plus nombreux, n’ont pas pris la peine de s’informer et pensent que les naturopathes, les ostéopathes et autres énergéticiens sont des professionnels de santé. La perméabilité et la crédulité des médecins aux pratiques non conventionnelles est en augmentation. Prendre en charge un patient dans sa globalité consisterait à accepter de déléguer des compétences à une personne sans aucune formation médicale ?
Qu’arrive-t-il donc au corps médical pour qu’il estime que ses patients doivent être confiés aux soins de gens sans formation validée, sans connaissance du corps et sans formation médicale ou scientifique? cela laisse perplexe.
– Enfin, je suis inquiète quand je croise sur les réseaux la tristesse et la démotivation à tendance dépressive du médecin face aux exigences des patients et face à la gestion de son entreprise. Certains regardent prioritairement la colonne des dépenses, qui certes sont élevées, mais n’empêchent pas de gagner sa vie assez correctement. En revanche, trop peu de valeur est souvent accordée à ce qui n’est pas mesurable par de l’argent dans la qualité d’exercice, comme l’intérêt de l’exercice en groupe, l’apport d’une secrétaire ou d’une assistante efficace. Dépenser pour la qualité de son boulot génère secondairement un bénéfice. Ce peut être un revenu supplémentaire par le temps libéré, beaucoup de confrères le confirmeront. Ce peut-être aussi un revenu qui n’a pas de prix, celui de travailler dans une plus grande sérénité.
– Pour terminer, je m’inquiète aussi de voir la place que ne prend pas le conseil de l’ordre. Comment une profession constituée d’individus par essence autonomes et très individualistes peut-elle avancer quand son autorité de régulation ne joue pas la carte du collectif ?
D’habitude, je suis bisounours et mes nombreux post prennent la défense du corps médical, et de la difficulté du métier. Ils sont souvent relayés parce que c’est consensuel de dire que c’est difficile.
Je suis curieuse de voir ce qui se passe quand je me mets à évoquer le manque d’implication ou de vision collective. Donc, je sais que ce texte va en heurter plus d’un.
Sauf ceux qui s’inquiètent aussi quand ils regardent dans le miroir de notre profession.
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