annonce du cancer, suite, les métastases

Cancer découvert chez cette patiente de 47 ans il y a 10 jours  annonce de cancer.

Elle revient ce matin, avec son mari que je vois pour la première fois. Elle m’a dit qu’il vivait mal son licenciement récent, et encore plus mal la maladie découverte chez sa femme. Le mari semble pleurnicheur, alors que la patiente est toujours raide, parée à tout supporter

Elle me tend le scanner, récupéré hier, en me precisant qu’elle n’a pas voulu regarder le résultat

J’ouvre la radio et je lis le compte rendu….
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Que dire ?

Le foie est bourré de métastases
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Je sais pertinemment que mon attitude à cette lecture indique mon trouble  à mes interlocuteurs dont le regard m’épie

Ne rien dire, poser sa blouse, aller boire un café, changer de métier, sourire et dire que tout va bien, toutes ces options sont impossibles. Je dois dire ce que je viens de lire. Parce qu’il va falloir ensuite faire rapidement une biopsie, parce que la chirurgie sera probablement différée  pour commencer par une chimiothérapie.

Mais que dire ?

En premier lieu, ne pas dire son angoisse, laisser la place à celui qui va recevoir la mauvaise nouvelle. L’angoisse du médecin ne doit pas prendre tout l’espace.

J’ai essayé de choisir mes mots, et j’avais envie de m’excuser auprès de cette patiente, déja  résignée au pire. J’ai dit que ce n’était pas normal. J’ai essayé de ne pas aller au dela de ce que la patiente n’avait pas envie d’entendre. J’ai aussi laissé une porte ouverte, un doute , un espoir. J’ai dit qu’il fallait faire un prélèvement pour confirmer, pour être sur. Mais j’ai aussi parlé de chimiothérapie, d’intervention différée.

De toutes manières il ne faut pas trop parler. Parce que la mauvaise nouvelle est la, et que la patiente n’avait pas de questionnement. Je la voyais se rapetisser, se blinder, droite dans sa souffrance, déterminée à porter la souffrance qu’elle allait créer chez les autres à cause de sa maladie. J’ai vu aussi son mari larmoyant qui sortait un peu de lui même en réalisant que la place du diable, ce n’était pas la sienne , avec ses angoisses de cadre au chomage depuis 15 jours. Nous avons ensemble parlé du soutien possible et souhaitable d’un psychologue, pour tous les 2.

J’avais envie de m’excuser. Comme disent les américains dans les feuilletons style « Urgences » quand ils annoncent une mauvaise nouvelle: « Sorry ». C’est le mot juste. Je suis « désolée » pour cette patiente.

Lorsque je l’ai rappelée ce soir, afin de lui donner le rendez vous de biopsie de foie, elle m’a demandé, tout bas, tout doucement: docteur, ce matin, vous ne m’avez pas donné les résultats des prélèvements intestinaux. Est ce que vous les avez ? En fait, je pensais qu’elle avait compris. Et ce matin, en présence de son fragile mari, je n’ai pas voulu aborder de front ce questionnement qui ne m’était pas posé.

Alors au téléphone, tout doucement, j’ai dit, oui madame, je les ai reçus.. et malheureusement ils confirment que ce n’est pas bon.

Je me suis demandé si elle en avait douté jusque la?

On sent chez cette patiente un ardent désir de ne pas savoir toute la vérité, de ne connaitre qu’une part suffisante à lui donner la force de protéger les autres, et à ne pas aborder toute la vérité par peur de la faiblesse que cela pourrait enclancher.

4 commentaires sur “annonce du cancer, suite, les métastases

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  1. Un tres bon article, qui nous montre que la médecine ne se contente pas de guerir mais aussi donner les mauvaises nouvelles (En fait donner les nouvelles tout court. Je me suis demandé comment vous geriez cela apres, quand vous rentrez chez vous ou pour la concultation suivante? Peut etre l´avez vous dèjà dit dans un autre article… je vais voir.

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  2. quel bénéfice pour les malades ou leur famille que votre témoignage… de médecin… moi j’ai vécu deux situations, tout d’abord le diagnostic de ma soeur en juillet 2005 atteinte d’une tumeur dans le pett bassin tumeur qui comprimait déjà la vessie et d’autres organes… un diagnostic décrit très rapidement et empiriquement avec des images subjectives pour que l’on comprenne une situation catastrophique, incurable… l’ami de ma soeur (elle était en réanimation sous respiratuer) et moi en gardons en gardons un souvenir terrible. nous en avons voulu longtemps à ce médecin pourtant très sympathique… puis cinq mois après (début décembre)c’est moi qui me retrouve en réanimation après une pleuresie et une détresse respiratoire… à mon réveil et après l’extubage, on m’explique une anomalie aus ovaires, un soupçon de lésion cancéreuse… je l’ai entendue, et de suite j’ai cru faire le même chemin que ma soeur qui était dans l’espoir d’une chimiothérapie interrompue par suite de défaillance des propriétés du sang et de ses capcités de défense… j’ai bénéficié d’une vrai course contre la montre (examens multiples, scanners, …) il m’avait vu soutenir myriam pendant 40j il trouvait injuste ce qu’il m’arrivait… il désirait vraiment me rassurer… ça était le cas un mois après (j’étais alors en cardiologie) la bonne nouvelle est arrivée fin décembre… soulagement, mais je tendais le dos quand même… la « bête » était là… je la sentais comme une ombre… mais l’état de ma soeur m’importait plus… elle décéda deux mois plus tard… la tumeur après s’être réduite a regrossi… cette phase d’annonce de diagnostic reste un traumatisme… j’y ai eu de nouveau droit en juin 2007 après une hysterectomie (après analyse de l’utérus enlevé — soupçon de microlésions tumorales – radiothérapie annoncée (dans ma tête,il faut y aller se battre…) puis annulation maintenat je suis suivie tous les 4 mois par mon gynécologue et mon oncologue… dernier scanner présence de ganglions à l’aorte péritoine(je crois) … non suspects — prochain scanner dans un mois… même si j’ai confiance je tends le dos…mais je sais une chose … maintenant je veux savoir pour pouvoir si la situation me le permet mettre toutes les énergies pour guérir… la famille, c’est vrai est laminée face à une telle situation mais elle est un atout et comme le malade elle doit apprendre à dépasser cette annonce pour vivre chaque instant avec le malade et surtout avec les soignants lui garder le droit d’être digne et garder si possible son libre-arbitre… bravo pour leur avoir parlé tout de suite de l’aide psychologique, c’est fondamental, une aide neutre, empathique à distance de nos attachements, sentiments, c’est PRIMORDIAL mon malaise en décembre 2005 a failli être fatal… j’étais épuisée professsionnellement -je suis dans le travail social), familialement et vidée de chez vidée… je n’ai pas su me protéger et de la maladie de myriam et de mes angoisses croissantes (ne mangeait plus, ne dormait plus, croyait que si je n’allais pas voir ma soeur à l’hôpital elle alliat mourir !!!) une vrai dérive, un KO sans nom… et j’ai été chanceuse maintenant je me rétablis peu à peu et commence à ne plus vouloir rassurer mon entourage… il a aussi un certain chemin à faire pour s’aider mutuellement, vraiment… toutes mes excuses pour cette longueur mais j’ai tellement besoin de communiquer après cette longue traversée… encore merci de me le permettre

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