24 ans, vient consulter pour des gaz.
Des gaz qui font du bruit, des gaz qui pètent, mais parfois se bloquent dans les virages avant de sortir, et ça le gargouille, et ça le gêne, ce bruit de vie.
Pas une maladie, quoi, des inquiétudes de jeunesse (ou de vieillesse) inquiète, qu’il faut avant tout rassurer sur la normalité de cette manifestation. Pour gênante qu’elle soit, elle est tellement normale, qu’on écrit dessus depuis des siècles, même Voltaire s’y était mis, mais je ne trouve pas son texte sur le net. Par contre, l’art de péter, de Pierre Thomas Nicolas Hurtaut, vaut la peine d’être lu !
La singularité du patient venu me voir hier pour cela, c’est qu’il avait déjà vu d’autres gastros. A commencer par un ultra cher dans le 8ème arrondissement, c’est-à-dire aux Champs Elysées, quartier le plus chic et le plus onéreux de Paris à tout points de vue. Dans ce quartier, on dirait bien qu’aux yeux de certains un jeune homme bien portant qui gaze, ça gaze… alors en premier on lui a fait des examens totalement inutiles, dont une coloscopie – la vraie indication à cet âge en l’absence de trouble digestif et d’antécédent, c’est le bug du porte monnaie de l’opérateur …En plus, prise de sang, échographie, tout normal. Et devant la demande du jeune homme, traitement. Et Hop, un traitement de constipation , nullement nécessaire pour des gaz, et en l’absence de trouble réel. Résultat, selles molles, et irritation colique, d’où … glaires. Rehop, nouveau traitement de dé-constipation, le bon filon pour le fidéliser. Et de traitement en traitement, voila ce garçon avec des troubles, persuadé par le bon docteur Knock des quartiers chics d’être réellement malade. A défaut d’être malade, devenu au moins bien rentable.
Comment arrive t’il jusqu’à chez moi ? un sursaut de bon sens ? . Maintenant, je ne sais pas si ce que j’ai fait sera meilleur pour lui que les agissements de mon confrère. Pas facile de le convaincre, après tout ça, qu’il était parfaitement normal, qu’un banal dérèglement d’un jour était pérennisé par la science en un tracas de tous les jours. Je ne l’ai pas laissé totalement à l’abandon, donnant avec un air aussi docte que possible un placebo qui devrait soutenir sa motivation à aller rapidement mieux. S’il va mieux, je n’en saurai rien , hélas, quelle frustration ! S’il m’a trouvée nulle de lui dire qu’il n’était pas malade, je n’en saurai rien non plus, et continuerai donc, en toute ignorance, à refuser de maladiser les bien-portants.
Sourire, très amusant cet article, enfin dans un certain sens.. Le pauvre, quand je pense qu’il est surement parti voir un autre doc persuadé que vous etes un peu légère côté diagnostic… Certaines fois aller chez un médecin se révèle aussi couteux que d’aller chez son garagiste, la peur en plus bien sur… Je suis catastrophée.. Mais l’éthique n’a donc plus cours même dans le mileu médical ? Ca me fait peur souvent tout ça… Merci pour ces écrits qui me donne raison de croire que tout le monde n’est pas vicié par le profit.. Carole M
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Article interessant;) rigolo ,mais laisse un souci qd meme ::: Certains médecins n’ont aucune conscience ? comment savoir si le médecin consulté est « correct » ou s’il plume ses patients……
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