L’article paru dans Ann Intern Med 2010;152:1-9., si jamais il a un retentissement dans la pratique médicale, risque d’être fatal au repos de mes nuits de garde de gastro
La question posée est la suivante : Peut-on poursuivre le traitement par aspirine en cas d´ulcère hémorragique?
L’ étude s’est intéressée aux patients ayant un traitement par de faibles doses d’aspirine en prévention secondaire cardiovasculaire, et ayant eu une hémorragie digestive par lésion gastrique liée à l’aspirine.
La question posée : peut on (ou doit on) arrêter l’aspirine au moment d’une complication hémorragique qui lui incombe
On le sait, s’il était inventé de nos jours, l’aspirine, malgré toutes ses qualités, n’aurait pas d’autorisation de mise sur le marché.. notamment à cause de son effet sur la muqueuse gastrique. C’est dire, si cela semble logique de cesser, au moins provisoirement pour quelques semaines ce médicament, quand une complication hémorragique se produit
C’est la pratique de la majorité du corps médical
Mais…
Le problème c’est que l’aspirine est donné au patient des raisons très valables, et que son arrêt , même temporaire, n’est pas sans conséquences…
L’étude a séparé 2 groupes de patients : le premier groupe continuait une faible dose d’aspirine (80mg) , en dépit du saignement digestif
Le second groupe arrêtait l’aspirine
Bien sur, tous les de patients recevaient un traitement cicatrisant de l’ulcère
Le bilan a un mois
Significativement plus de récidives de saignements (10%) dans le groupe qui continuait l’aspirine (contre 5% en cas d’arrêt) : on s’en serait douté !
Significativement plus de décès dans le groupe qui arrêtait l’aspirine 12,9% (et seulement 1.3% chez ceux qui poursuivaient)
la moitié de ces décès était directement la conséquence de l´interruption du traitement antiagrégant
la plupart des décès étaient précoces, dans les 7 à 10 jours après l’arrêt de l’aspirine
L’étude a été difficile à réaliser, et la puissance des résultats peut être discutée, voire pondérée, mais la différence reste inéluctable en défaveur du groupe d’arrêt de l’aspirine
Elle incite à se reposer la question de la conduite à tenir en cas d’hémorragie sous traitement par aspirine
faut il stopper l’aspirine au risque de voir le patient mourir d’un accident cardio-vasculaire ?
faut il le poursuivre au risque de gâcher les nuits des gastro-entérologues. ?
La conclusion tirée par les auteurs de cet article est une élégante pirouette : ils conseillent la poursuite de l’aspirine au décours d’une hémorragie digestive chez les patients dont les risques cardio-vasculaires dépassent les risques gastro-intestinaux.
Et ne surtout pas se laisser tenter par un switch de l’aspirine au clopidogrel, d’autres articles ayant montré qu’il y a moins de récidive hémorragique à un an avec l’association aspirine-antiulcéreux.
Sung J, Lau J, Ching J, et al. Continuation of low-dose aspirin therapy in peptic ulcer bleeding. A randomised trial
Ann Intern Med 2010;152:1-9
Très intéressant, je me demande si les praticiens vont avoir le courage de le faire en pratique, tu as encore quelques gardes tranquilles à passer, à mon avis. Est ce validé depuis ?
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oui cela se fait de plus en plus de cette manière, et nos gardes sont de moins en moins tranquilles, hélas !
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