Denise… en hommage

Une vieille dame de 95 ans est morte le 18 février vers 14 heures.

C’est quand on perd quelqu’un que l’on aimait, que l’on réalise alors combien on l’aimait, et à quel point on voudrait pouvoir le lui dire encore

En perdant cette vieille dame, qui a partagé toute ma vie, de ma naissance ou elle était la, aux jours précédant sa disparition ou j’étais la, je réalise l’attachement qui était le notre

Je réalise avec douleur que je viens de perdre une des rares personnes à m’avoir aimée, toujours, sans chichis, sans détours. Non seulement à m’avoir porté son affection, mais à avoir su toujours me le dire, me le faire sentir dans la chaleur de sa voix.

C’est cette voix qui ne me quitte pas, lourde d’absence, lourde des mots si doux que je n’entendrai plus, des mots d’affection que personne ne savait dire comme elle. Tu sais bien combien on t’aime me disait elle, même si on te voit si peu, on pense à toi toujours, on t’aime… toujours, et pour toujours. Au dela de sa si rapide et inattendue disparition, ses mots volent et résonnent clairement dans ma tête. J’aurais tant envie de les entendre dire encore.

 

Elle venait d’avoir 95 ans, mais elle était pleine de vie. Toujours alerte, sans lunette, elle s’occupait de gérer toute la vie et la maison dans laquelle elle partageait la vie de sa sœur de 98 ans, un peu moins vive, elle, et beaucoup moins gentille. Elle était la vie, Denise, toujours gaie, toujours contente de tout. Elle habitait loin, c’était ça le problème. Mais toutes les fois ou j’ai pu venir la voir ces dernières année, jamais elle ne protestait comme le font les vieux au moment au moment des départs. Au contraire, elle manifestait la joie de m’avoir vue, avec ma famille. Seules quelques fois, au téléphone, qui nous reliait souvent, elle regrettait de ne pas nous voir plus. Mais ce n’était pas si simple, et elle le savait. Le regrettait, mais pas un zeste d’accusation dans ses regrets.

Depuis quelques années, elle avait maigri, la ronde Denise. Mais c’est tout, rien d’autre, pas de plainte. Son médecin avait fait sans succès quelques examens, tous normaux ; on la voyait donc maigrir, mais rester toujours aussi vive, et nul ne s’en inquiétait plus.

Et puis soudain, au moment de Noël, Denise a arrêté de manger. Elle se mettait à table, et.. impossible d’avaler quoi ce que soit. Elle a décollé, devenant en 15 jours, cachectique. Bilan et verdict : le foie plein de métastases, d’une tumeur endocrine du pancréas. La chimio a cet âge et surtout dans cet état général, on n’y songe même pas. Surtout que Denise n’avait aucune douleur, juste cette étrange et insurmontable anorexie. Elle gardait toute sa voix de stentor, sa joie, son rire clair, mais bien sur, quand je l’ai vue pour la dernière visite fin janvier, nous savions toutes les 2 que c’était pour un adieu. Après, elle n’a pas eu la force de me parler au téléphone, ou plutôt sa sœur avait tout pris en main, et en barrait l’accès, alors je ne l’ai plus entendue cette voix que je chérissais. Elle a été hospitalisée pour y finir ses jours en peu de jours, s’endormant comme une petite feuille.

 

Cette petite bonne femme était une bibliothèque, celle d’une vie de célibataire vivant avec ses sœurs, cachant une douleur incommensurable, la perte de la sœur ainée, avec son mari et ses enfants dans l’enfer des camps de concentration. Elle avait connu ma grand-mère dans les méandres de la guerre, et depuis, elle faisait partie de notre famille. Les 3 sœurs, qui n’étaient plus que 2 depuis 20 ans. Des 3, celle-ci était la force, la joie, la vivacité, … l’âme.

 

Une belle mort pour une femme de 95 ans en somme. Partir sans souffrir, en un mois s’endormir. On dit tous que l’on en rêve. Sauf que moi, cette petite bonne femme, elle me manque maintenant terriblement fort.

9 commentaires sur “Denise… en hommage

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  1. j’ai été très touché par votre témoignage. j’ai connu pareille situation et j’ai eu les mêmes pensées. Les départs sont toujours trop rapide avec cette impression de manque, de ne pas avoir tout dit ou tout fait … Eric

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  2. Et le pire je trouve, c’est que contrairement à ce que dise la plupart des gens, le manque s’accentue au fil des années… Oui du moins c’est ce que je ressens depuis le départ prématuré de mon autre.. Bien avec vous, avec toi… Carole M

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    1. Oui Carole, parce que tu as perdu un compagnon de tous les jours. Dans l’histoire que je raconte, contrairement a la tienne, la disparition fait partie de l’ordre des choses, même si elle est triste elle est bien autrement acceptable que celle de ton ami.

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  3. article à garder aussi, pour tenter d’être nous mêmes les Denise de quelqu’un d’autre. chez elle c’était spontané, manifestement. Mais en y travaillant, nous pouvons certainement tous y arriver. Comme au XVIIe siècle: exercice de piété: prendre le temps de respirer le matin avant de foncer dans ses vêtements et dans sa journée de travail. 10 secondes: « à qui dois-je penser ? » « à Denise.. ou aux Denises de ma propre vie ». Et on part plus calme et plus efficace.

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