Mars, c’est le mois de sensibilisation au dépistage du cancer colique. Positionné depuis quelques années, ce mois consacré aux actions en faveur du dépistage digestif, a été appelé Mars Bleu. Quand on évoque la question digestive, c’est plutôt la couleur marron qui vient à l’esprit. Mais ce n’est pas très vendeur, Mars marron, ou Mars brun. Le choix du bleu est plutôt sympathique, et vient en contrepoint du mois de dépistage du cancer du sein, Octobre Rose, maintenant bien ancré dans les habitudes.
En gastroentérologue consciencieuse, ce matin, je suivais l’action initiée par nos sociétés savantes, et tenais table d’information pour consultations de plein air, ouvertes à tous, gratuites. Installation bien en vue dans le hall de la clinique à l’espace consacré aux Associations
De 9h à 12 h30, 7 passants sont venus discuter avec moi. Au moins 2 avaient vu les affiches et s’étaient déplacés rien que pour ça. Il est tentant d’essayer sur ce petit nombre de personnes une micro-statistique sur la portée d’une telle action. Il y a eu 3 personnes de plus de 75 ans, dont un de près de 80 ans, déjà traité pour un autre cancer, et qui trouvait moyen de s’inquiéter encore de son risque de cancer colique. Les 2 autres sujets âgés étant quand à eux déjà suivis par coloscopies et ne relevant de toutes manières pas de ce dépistage qui n’est plus proposé après 75 ans.
3 personnes venaient demander des explications sur les modalités du test, dont elles relevaient potentiellement, et, après discussion, sont reparties avec le questionnaire sur leurs risques, le document d’information, et la consigne de revoir leur médecin traitant pour obtenir un test hemoccult de dépistage, remis par les généralistes, je le rappelle dans la majorité des départements, en tous cas.
Un monsieur, âgé lui aussi, voulait demander s’il était obligé de payer des dépassements d’honoraires parce qu’il n’avait pas de moyens financiers, mais qu’il aimerait se faire soigner à la clinique, habitant juste à côté. Le cancer du colon étant le cadet de ses préoccupations.
Reste 2.
La première des 2 se déplaçait pour une plainte. Et venait exprès pour cette consultation gratuite. Elle voulait à tout prix m’expliquer sa protestation, et la justifier. Elle trouvait inadmissible, voire scandaleux, de ne pas être soignée des douleurs chroniques de colopathie fonctionnelle dont l’ancienneté était manifestement égale à son âge. Son gastroentérologue étant un de mes copains, je me suis fait un doux plaisir de lui conseiller de le revoir pour une meilleure proposition thérapeutique ! pas de détournement de patientèle, assurément
Quand à la dernière de notre série de consultants gratuits, le temps le plus long lui a été consacré. Encore une pathe.. (éthymologie grecque pathos = malade). Pathétiquement en bonne santé, mais ballonnée. Pathétiquement angoissée, envisageant pathétiquement les questions d’un point de vue personnel. Pour résumer, elle voulait : faire une coloscopie, mais sans la préparation, trop dure, sans le tuyau, trop de risque infectieux, et surtout sans l’anesthésie, trop dangereuse ; en plus, la coloscopie ne dépistant qu’un éventuel cancer colique ne lui convenait pas. Elle voulait : un dépistage de tout. Proposant volontiers ses pistes, verbalisant de doux rêves : un scanner qui verrait tout, une panoplie de marqueurs biologiques qui screenerait l’ensemble des cancers possibles. De toutes manières pour ses ballonnements elle n’avait pas pris les médicaments, à cause des effets secondaires de la notice. Elle n’avait pas pris non plus le traitement contre les champignons de ses pieds, toujours à cause des effets secondaires. A propos de champignons, elle les mangeait surement toujours bio, vu son profil de comportement. Et même qu’à force, on pouvait se demander légitimement si un nénuphar n’était pas en train de lui pousser dans la tête, pour paraphraser Prévert. Encore une que je suis assurée de croiser au magasin bio pas loin.
Ca a été interminable. Mais bon, de toutes manières j’avais du temps, c’était écouter ça, ou attendre un autre visiteur en buvant un xième café. Tous les gens de la clinique qui sont passés par la dans la matinée, m’ayant très gentiment offert un café, étant donné la situation géographique de l’espace associations, sis à l’entrée de la cafeteria.
Après ce long moment d’échanges , cette gratouillopathe obsessionnelle tournait toujours en rond autour de ses mêmes questions, dont les réponses données avec ma légendaire patience ne venaient pas à bout. Mon associée qui surveillait de loin ce fructueux échange, attendant de prendre son tour à la table d’accueil du public, m’a téléphoné : méfie toi, c’est une caméra cachée pour la télé, ou quoi ?
Sans oublier que ces consultations ouvertes à tous, étaient gratuites, bien évidemment, faveur d’un temps médical dont toutes les personnes qui sont venues ce matin m’ont semblé non seulement avoir conscience, mais avoir plaisir à exploiter, vu la rareté d’une telle situation, en particulier dans le privé ! .
Bonjour,
Six années ont passé depuis votre récit. Le mois de mars est-il toujours le mois de sensibilisation au dépistage du colon?
Même si, nous n’avons pas assisté à une grande campagne d’info dans les médias, le dépistage systématique prend son essor. Les patients qui nous présentent 1 papier de la sécu, les invitant à venir chercher 1 test de dépistage chez leur médecin, sont de plus en plus nombreux et….ne posent pratiquement pas de question.
Les premières années, il fallait vraiment mouiller sa chemise pour bien expliquer aux patients :
– comment réaliser le test correctement
-quel était l’intérêt du test
-pourquoi il fallait réaliser 1 coloscopie si le test était positif
-pourquoi il fallait réaliser directement 1 coloscopie s’il y avait eu un antécédent de cancer du colon dans la famille
Petit à petit, ce dépistage semble rencontrer le même succès que celui de la mammographie.
Par contre, nous étions de nombreux médecins à être fort mécontents en novembre!!!
Pourquoi ?
En 2016, de façon très judicieuse, nous avons décidé de copier les Anglais: le mois de novembre est donc devenu « le mois d’arrêt du tabac ».
Le 24 novembre 2016, lors d’une soirée de formation médicale continue….dont le sujet était « arrêt du tabac et arrêt du cannabis », la pneumologue nous a malicieusement demandé « Qui dans la salle est au courant de la campagne actuelle d’arrêt du tabac ? ». Personne n’était au courant! Elle même ne l’avait appris que 5 jours plus tôt, lors d’un séminaire de pneumologie consacré aux stratégies d’arrêt du tabac….
Pour être honnête, l’ARS a quand même envoyé un mail à tous les médecins du département pour les informer de cette campagne : le mail nous a été adressé le vendredi 25 novembre…….Super efficace!!!
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