Ceux qui pratiquent pour de vrai la Télémédecine, par exemple les médecins de l’équipe dans laquelle je travaille, affirment tous faire de la « vraie » médecine.
Les opposants pensent qu’il est insensé de dire que l’on fait de la médecine sans voir le patient, et sans pouvoir l’examiner.
Pour me dévoiler un peu, je consulte en télémédecine depuis plus de 2 ans, ai même présenté un poster aux Journées Francophones de Gastroentérologie, sur les 100 premières consultations de gastro en TM. De plus, je partage avec un collègue la direction médicale de la plateforme Médecin Direct.
Déjà, pour vous présenter un peu la situation actuelle de la TM, il y a fleurissement de sites qui disent en faire, mais ceux qui en font réellement sont rares. La plupart des sites font du téléconseil. La vraie téléconsultation offre au patient la possibilité d’un diagnostic à distance sur le simple interrogatoire, mais aussi et surtout la possibilité de recevoir une ordonnance. C’est ce que nous faisons, et pour ce faire, est positionnée une équipe de généralistes complétée par une large équipe de spécialistes.
Sur certaines plateformes de TM, les sujets de question sont limités à certains thèmes médicaux. Celle sur laquelle je consulte permet aux patients de poser une question sur n’importe quel sujet médical. Les patients posent des questions ouvertes, rédigées en texte libre, il n’y a pas de guide rédactionnel, pas de limite de longueur de texte, pas de sujet imposé ou interdit.
On connait la plainte récurrente à propos de la non-écoute des médecins en consultation. Ils ne laisseraient pas parler les patients, les coupant très rapidement, et les patients en ressentent une mauvaise écoute et une incompréhension. Donc, en télémédecine, telle que nous la pratiquons, le patient a tout le temps et toute liberté pour formuler sa question, préciser ce qu’il veut savoir, expliquer son problème. Utilise t’il cette liberté ?
Les manières de poser une question sont variées, bien sur. Certains patients prennent du recul pour expliquer ce qu’ils ont, situer le contexte dans lequel cela survient, mais ils sont loin d’être les plus nombreux. Nous nous apercevons que le recours médical concerne souvent un problème unique et bien précis. En pratique, les patients posent en majorité une question allant droit au but : j’ai tel symptôme, que pouvez-vous faire, donnez-moi un conseil, un traitement, dites-moi ce que c’est ?
Nous, là-dessus, en vrais bons docteurs qui veulent faire de la vraie médecine, on creuse l’interrogatoire. Depuis quand avez-vous mal au ventre, avez-vous déjà passé des examens, quels traitements prenez-vous déjà pour ça, quels sont vos résultats de prise de sang et de radios, avez-vous déjà consulté pour cette pathologie ?
Sur ces échanges, surprise, on constate que cela ne plait pas forcément. Comme si ce qui était évident pour celui qui a posé sa question devait forcément l’être pour le médecin sans demande de précisions. En consultation, on a souvent cette sensation, du genre « on me prend pour merlin l’enchanteur », mais elle est plus flagrante encore en télémédecine. En consultation c’est simple, on explique aux patients qu’il vaut mieux approfondir un peu pour répondre au mieux à ses préoccupations. En télémédecine, cela doit être amené d’une autre manière.
De ce fait, la télémédecine oblige à développer des aptitudes relationnelles auxquelles on ne se réfère pas toujours en présentiel. Parce qu’à l’écrit, la consultation n’est pas finie une fois sorti du bureau. Les gens insatisfaits d’une réponse peuvent vraiment s’en plaindre, ou bien ils peuvent aussi revenir à la charge avec une nouvelle question s’ils n’ont pas la réponse souhaitée. Il faut donc que l’échange soit satisfaisant pour le patient à tous points de vue. Médical ET relationnel.
On se retrouve en consultation de TM un peu dans le même propos qu’en cas d’annonce de maladie grave : il faut savoir s’adapter aux attentes du patient. Et c’est bien plus flagrant en consultation télémédicale : Le bien tel qu’il est conçu par le patient n’est pas forcément le bien tel que conçu par le médecin.
La pérennité de l’écrit, la possibilité de relecture du message, de décortication de la réponse oblige à se rappeler ce qu’informer veut dire. Informer, c’est mettre en forme un message pour l’adapter à celui à qui on veut le dire.
Par écrit, le médecin est un véritable émetteur, encore plus responsable du message donné qu’en consultation. En consultation, créer un espace de dialogue, c’est d’abord écouter. En télémédecine, créer un espace de dialogue, c’est lire, et s’entendre sur la nature du problème. Le patient ne vient jamais à la télémédecine pour un suivi médical. Il y vient pour un avis, sur un point qui le tracasse, quel que soit son état de santé par ailleurs, bon ou très mauvais.
Il faut donc pour exercer ainsi, apprendre à manier des « habiletés de communication », à accompagner l’aptitude du patient à répondre aux questions posées par le médecin afin d’obtenir une réponse circonstanciée.
Comme en présentiel, la plupart des plaintes de patients résultent d’un défaut de communication et non d’un manque de compétences, mais à l’inverse d’une consultation dont le patient sort insatisfait et reste sur son insatisfaction, la, il peut le dire directement par retour écrit au médecin avec lequel il a échangé et insister pour obliger le praticien a justifier ce qu’il a écrit, ou son refus de faire telle ordonnance par exemple.
J’en profite pour souligner un autre intérêt inattendu de la télémédecine, et apprécié de tous ceux qui la pratiquent. On n’est pas sous la pression du patient face à vous qui scrute vos clignements d’yeux en attendant une réponse circonstanciée. On peut aller vérifier ce que l’on va dire, et tous les médecins de Médecin Direct vous l’assureront : faire de la télémédecine est un très grand vecteur de formation médicale.
Donc, nous pouvons continuer de créer et faire vivre ces espaces de dialogue en télémédecine, non seulement parce que cela complète la médecine présentielle, permettant un retour rapide sur des questions de complexité parfois importante, mais aussi parce que je ne vous dis pas le nombre de questions qui comportent une des remarques suivantes : « Mon médecin généraliste étant en vacances », « mon médecin est parti à la retraite et je ne trouve pas de nouveau médecin », « mon médecin est débordé, et ne peut me recevoir ».
La consultation par télémédecine est donc juste une manière différente de communiquer avec le patient. Un canal d’échange différent. Mais c’est une vraie communication, parfois très empathique. Et une vraie consultation médicale, qui se suffit à elle-même la plupart du temps. Toujours en lien avec la vraie vie, et la nécessité éventuelle d’un examen clinique, car le conseil de voir un médecin fait bien évidemment partie intégrante de l’avis d’une consultation de télémédecine.
Bonjour,
Merci pour cet article très intéressant sur l’écoute et le dialogue en télémédecine.
Si j’ai du, à de très nombreuses occasions, donner un avis ou un conseil téléphonique à des patients séjournant à l’étranger ou faisant leurs études loin du domicile familial, c’était beaucoup plus facile que de faire de la téléconsultation. En effet, il s’agissait de patients que je connaissais très bien et qui me faisaient confiance. Par ailleurs entendre la voix de son médecin de famille (ou de son spécialiste habituel) a tendance à rassurer les patients. De nombreuses consœurs et de nombreux confrères pratiquent gratuitement cette forme de téléconseil chaque année.
La téléconsultation me semble beaucoup plus difficile, il faut interroger, expliquer, convaincre et rassurer par écrit. Cela nécessite des aptitudes/qualités très spécifiques, que vous avez parfaitement décrites dans votre article.
Merci à vous, de nous avoir décrit la téléconsultation sous un angle inhabituel.
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Article très intéressant. J’ai mené en 200 et 2001 une expérimentation du type « télé-psychothérapie » avec des résultats ambigus.
Dr L.F.
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Bonjour Ludwig,
Ou puis-je trouver et lire le résultat de cette étude ?
Marion
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