Le Coronavirus ou « de l’art de la décision médicale en milieu inconnu ».

La cacophonie autour du traitement de l’infection à Coronavirus en France, invite à la réflexion.

Non de savoir qui a tort ou qui a raison,

Mais d’essayer une approche des stratégies de décision médicale.

Pour cela, plongeons dans un vieux bouquin (sur ma table de chevet depuis longtemps) : Lucien Israël, la décision médicale « essai sur l’art de la médecine », ed Calmann Levy, 1980, auquel je vais emprunter des phrases lues et relues maintes fois.

La médecine est la science des pannes. Mais le médecin est le dépanneur d’une machine dont il ne connait pas tous les plans et à l’heure actuelle d’une maladie dont il ne connait pas grand-chose, à part qu’elle est éminemment contagieuse, tueuse, et  sans traitement connu ni préventif, ni curatif.

C’est bien ennuyeux pour les médecins. Car la médecine une profession dont la mission est de soigner. Et les progrès de la médecine des maladies infectieuses ont presque conduit à croire qu’on savait se battre contre toutes les infections. Certes, en réa, on sait soigner les conséquences des destructions pulmonaires du Coronavirus, mais en ville, pour des malades non graves, on ne sait rien, et cela conduit à l’obligation de prendre des décisions en milieu inconnu. En gros, face à la situation actuelle : ne rien faire qu’attendre, ou prescrire un ou des traitements n’ayant pas démontré la preuve de leur efficacité.

La médecine est bien un art de décision.  Et si la médecine du certain est simple, scientifique, en revanche, la médecine de l’incertitude , celle que nous rencontrons actuellement face à une maladie inconnue, devient alors un art. Celui d’être un décideur.

L’incertitude,  la non-connaissance, sont de mauvaises conseillères pour certains médecins. Sans connaissance, dans l’incertitude, l’art médical n’est plus l’application d’une recette identifiée, le droit des patients à être soigné souffre de la non-connaissance des règles logiques qui vont mener aux soins. Comment répondre à l’incertitude d’une maladie et aux exigences des patients d’en être malgré tout soignés. Malheureusement, cette situation d’inconnu va conduire certains à développer une indifférence à l’utilisation des règles de la logique en s’adressant à des thérapeutiques jamais démontrées. Il apparait actuellement que certains cèdent à l’illusion de l’utilisation de médicaments déjà connus, déjà de longue date sur le marché, en statuant que cela ne peut pas faire de mal au patient, et au mieux peut lui être bénéfique. Pourtant, ce genre de pratique parallèle, non codifiée, portant autant sur les médecines parallèles que sur le mélange de médicaments potentiellement anodins, n’a jamais démontré d’efficacité. Et ne fait plus partie des pratiques acceptées tant par les patients que par le corps médical et la faculté en temps « normal ».

Pour autant, la situation épidémique, entourée de son cortège de confinement, de peurs, d’annonces quotidiennes de morts, change complètement la manière de voir le soin. Les gens veulent être guéris, même si cela ne suit pas les règles de la logique et de la recherche clinique. Et les médecins se trouvent face à des patients prêts  à accepter des thérapeutiques jamais démontrées si on leur assure que cela peut éventuellement  les empêcher de mourir..

Alors certains  thérapeutes vont dans le sens des patients. Ils veulent traiter avant que l’homme d’éprouvette n’ait tout compris. Ce sont des personnalités qui ne réussissent pas à surmonter leur  faiblesse, celle d’avouer qu’il n’y a pas de traitement reconnu, que toutes leurs capacités de décision sont inutiles dans le contexte.

Transis de peur, les malades sont d’accord pour un traitement d’abord et une évaluation ensuite. Alors, en prescrivant n’importe quoi, hors de tout contexte de recherche clinique, certains médecins se plient aux demandes des patients. Ils reviennent au temps de l’empirisme, celui où l’on pensait qu’un décideur correct avait le droit d’imaginer et d’appliquer des remèdes non éprouvés. Ce qui s’est passé dans les débuts de la cancérologie, quand les médecins étaient prêts à tester les traitements directement sur l’humain, se reproduit aujourd’hui, avec la bénédiction surprenante d’un public d’habitude si prompt à détecter et reprocher le médicament inutile, le moindre effet indésirable d’un traitement

Qui  doit décider de ce qui est qualitativement acceptable ? les médecins, les bien-portants, ou les malades ? Un médecin spectacle, chef de service titré qui affirme qu’un cocktail de médicaments existants de longue date est la panacée que tous attendent ? Des vieux politiques qui ressortent de placards poussiéreux pour soutenir des doctrines sans validation. Le grand public, par sondage ? ou bien les malades prêts à tout pour ne pas mourir ? .

Car, face à une nouvelle maladie, aucun médecin ne peut se référer à son expérience puisqu’il n’en a pas. Pas plus qu’un autre. Et donc, 2 décideurs vont avoir dans la même situation, des évaluations différentes. Et appliquer des thérapeutiques différentes, qui paraitront souvent incohérentes aux autres, car elles reposent sur une vision fantasmatique de la réalité. La thérapeutique ne repose alors sur aucune observation précise, seulement sur une loi déduite de correspondances supposées entre la physiologie humaine et l’administration de certaines molécules.

On s’aperçoit que la notion de risque médical insupportable n’est pas généralisable. En matière de Covid, il l’est d’autant moins que l’on en connait pas le risque maximal pour chaque patient, et que donc on ne sait dire ce que l’on va lui éviter en lui faisant prendre le risque d’un traitement non validé.

Tous les médecins ne sont pas des êtres objectifs, rationnels, tous les médecins ne partagent pas le même ensemble de finalités, et la même conception du meilleur service à rendre. Mais en l’état, la position des médecins est délicate quand on les pousse à prendre des décisions, reposant plus sur la diversité des opinions et la part de hasard que sur des études cliniques validées.

Pour élever la qualité du soin donné par les médecins, en particulier pour traiter l’infection à Coronavirus, il faudrait éliminer les décisions imparfaites et les choix incohérents, et surtout, ne pas revenir à l’ancien temps, ne pas accepter les décisions basées sur l’expérience d’un médecin, fut-il agrégé de la faculté publiant sur Youtube, ou médecin généraliste publiant dans l’Est Républicain.

Parce que de l’expérience d’une personne à la doctrine, il n’y a qu’un pas, et que ni la médecine ni la politique ne doivent être mis dans les mains de doctrinaires

2 commentaires sur “Le Coronavirus ou « de l’art de la décision médicale en milieu inconnu ».

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  1. Pour ma part , je prends mes décisions de traitement sur les publications et nos connaissances partielles . Pourquoi tel antiobitique car il a des fonctions antivirales, anti-inflammatoire et il semblerait que les patients atteints de mucoviscidose soient moins atteint , pourquoi des anticoagulants car c’est cohérant avec des troubles microcirculatoires puis on discute entre nous , retour d’expérience puis on adapte etc etc.

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