Cauchemar en médecine

Cauchemar en cuisine est une émission de télé que j’aime bien, parce qu’à chaque diffusion, je me dis que l’on pourrait la transposer en médecine. Et je vais donc vous expliquer mon raisonnement et le propos

Synopsis de  Cauchemar en cuisine :

  • Un restaurant va mal, et la raison est simple : il y a un ou des dysfonctionnements. Ils décident que la seule issue pour s’en sortir est « l’appel à un ami »
  • L’ami s’aperçoit vite que les personnes qui ont le nez sur les dysfonctionnements ne les voient pas
    • Parce que ce sont eux qui les génèrent
    • Parce qu’il est question d’équipes et pas d’une seule personne, et que toute l’équipe dysfonctionne en pratique
    • Parce qu’ils n’ont pas de recul, et ne prennent pas de hauteur, sont sans objectivité
    • Parce que leurs soucis les embolisent tellement que cela retentit sur leur vie personnelle
  • Au final, toutes les émissions aboutissent à une univoque conclusion : toutes ces personnes incapables, gérant des restau dégueu, servant de la nourriture infâme, n’ayant aucune empathie pour leurs clients, le font parce qu’ils sont en grande difficulté, mais s’avèrent en réalité des gens ayant des qualités, de la valeur, l’envie de travailler, de bien travailler, de réussir, de faire plaisir à eux et aux autres

Le principe de l’émission est simple : c’est un audit. C’est à dire: Un examen objectif et méthodique de l’ensemble de la situation, documenté, effectué par une ou des personnes extérieures, indépendantes.  L’objectif est de détecter les anomalies et les risques associés.

Il ne s’agit pas d’une analyse de pratiques, souvent proposée aux équipes en santé et géré par les équipes avec l’aide d’un superviseur.

  • L’auditeur à tête de cow-boy, vient faire son audit « personnellement ». Il est accompagné d’auditeurs de l’ombre qui analysent en parallèle l’ensemble de la situation. L’idée c’est que l’ensemble de l’écosystème du groupe dysfonctionne à cause d’un point d’ancrage qu’il faut identifier et traiter
  • Cet audit est centré autour des personnalités de chacun et ne critique pas les compétences. Il est même admis qu’une personne n’ayant pas eu la bonne formation puisse avoir des compétences suffisantes pour son travail, à condition que l’on sache les exploiter. Il en découle les notions de responsabilité, , d’échange, de gestion d’équipe, de collaboration entre les personnes qui travaillent.

L’auditeur établit son diagnostic. Le nœud du problème est toujours, toujours, toujours, toujours issu de la même origine : les personnalités des gens avec à côté un peu de questions matérielles.

Les personnalités sont hétérogènes, mais néanmoins aucune n’est jamais considérée comme totalement pathologique, Il apparait clairement que le nœud du problème vient en règle générale d’une part de conflits interpersonnels, notamment liés aux différences de perception et de personnalité, et d’autre part de craintes comme la perte d’autonomie, ou la peur de ne pas détenir tout le « pouvoir »

 Une fois le ou les effecteurs principaux identifiés, les éléments de cristallisation sont examinés et priorisés.

Jusque-là, on se trouve en situation d’audit classique à ceci près que l’auditeur est généralement moins bourru et moins direct que Philippe Etchebest

Et donc, dans le cadre d’un audit classique, à ce moment de l’action, on réunit l’équipe, et on leur met les problèmes devant les yeux, afin qu’ils en prennent conscience, s’en emparent, et s’activent ensuite à le résoudre. Le travail d’un auditeur s’arrête ici. Il fait le diagnostic, mais n’a pas d’implication dans la solution et n’est pas chargé de l’accompagner. Autrement dit, il explique au malade pourquoi et de quelle manière il dysfonctionne, au mieux il propose quelques pistes d’amélioration, mais les audités doivent se débrouiller seuls pour trouver leurs solutions de meilleur fonctionnement. Si l’on veut poursuivre, il faut partir sur du groupe d’analyse de pratiques.

La ou cette émission se sépare d’un audit classique, c’est que le traitement se fait dans la foulée du diagnostic, et par la même personne. Et la ou le traitement se différencie de ce qui se fait dans la vraie vie, c’est par l’application d’un traitement de choc, qui ne s’embarrasse pas de suggestions, et va droit la ou ça bloque.

Au lieu de s’attarder à décortiquer les causes, il va appuyer directement le doigt sur la zone sensible, celle qui est la plus douloureuse, puis s’acharner à aider les gens à trouver LEUR solution. Et en particulier à privilégier ce qui fonctionne et pas ce qui bloque.

Ce traitement de gestion de changement appliqué avec vigueur, consiste à faire différent et mieux avec ceux qui sont la. En repensant les inter-relations et l’organisation. L’idée est que toute personne, même celle qui vous parait exécrable et détestable, agit ainsi parce que c’est SA manière de se faire du bien. Ainsi, le traitement va consister à faire comprendre aux uns et aux autres, qu’une équipe est composée d’une somme de personnes qui doivent mettre en sourdine certains aspects de leur individualisme pour obtenir un fonctionnement de groupe harmonieux. Ainsi, le traitement ira dans le sens de bien définir les rôles pour lever les ambiguïtés, mieux se connaitre, dialoguer, produire de l’intelligence collective. En somme réussir à faire travailler ensemble des  directifs, des persuasifs, des participatifs et des délégatifs. Ce que la bienséance n’autorise généralement pas à verbaliser peut être exprimé et induit en quelques jours de vigoureuses et souvent salutaires prises de consciences d’abord de ceux qui sont au cœur du problème, puis de tous ceux que cela impacte, en pratique l’ensemble de l’équipe.

Un ingrédient final est souvent ajouté, la simplification. Quand on veut en faire trop, on le fait souvent mal. En l’occurrence un plat bien cuisiné plutôt que 10 choix insipides. Mieux vaut de la simplicité, un ou 2 projets bien pensés et bien menés, plutôt que 10 projets bâclés menés de front.

Au final, outre l’amélioration matérielle proposée en parallèle, la solution repose en majeure partie sur la parole et l’échange. Mieux se connaitre facilite la bienveillance et l’autonomie. Les actions complémentaires entre administratifs et exécutants sont revues,  visant la responsabilisation et la coopération et non pas une prise de pouvoir. L’autonomie y est différente, car organisée dans les limites définies par le groupe et plus conforme aux normes professionnelles.

Un des propos, ce me semble, c’est qu’une équipe bienveillante entre elle sera plus bienveillante envers ceux qu’elle prend en charge, que ce soient les clients d’un restaurant, ou les patients d’une structure médicale.

Je rapproche cette émission de ce qui pourrait se faire dans de nombreux groupes médicaux. C’est en parcourant les forums d’échange sur la toile, que l’on découvre les difficultés rencontrées par de nombreux praticiens d’une part, et sur le manque d’adaptation de certains autres.  Certains forums dédiés aux médecins recueillent ces doléances, par exemple sur la complexité de gérer vie personnelle et professionnelle, de faire face aux demandes et aux angoisses face aux patients. Difficultés réelles qui conduisent  certains praticiens vers de vrais états dépressifs ou des situations de burn-out. De cela, ils peuvent parler sur des forums, ou ils restent souvent anonymes, mais jamais ouvertement devant leurs équipes, parce qu’on peut alors leur alléguer qu’ils font de la diffamation envers les autres membres de l’équipe (pas plus tard que la semaine passée, ce qu’on m’a dit parce que j’interrogeais une décision prise sans concertation dans une équipe…)

J’ai donc décidé de créer une nouvelle activité, dont je suis désormais le référent auto-proclamé à l’unanimité. « Cauchemar en médecine »

C’est simple. Vous faites appel à ce secours. J’arrive dans ma supercar hybride pas neuve mais pas cabossée non plus, ou en train, – accompagnée de mes auditeurs spécialisés, qui ne passeront pas à l’antenne-. La seule condition : que toute l’équipe concernée soit au courant, même si certains pas d’accord, ce qui est d’ailleurs un premier élément de diagnostic des problèmes interpersonnels.

Sur place, on passe quelques jours. On observe, on dialogue, on établit un diagnostic, et ensuite secouage vif des cocotiers par échange oral afin que le franc-parler permette la prise de conscience des dysfonctionnements en flash et pas en 10 ans, puis direct enchainement vers travail de flash coaching, disons une sorte de flash thérapie comportementale de groupe. Le propos est centré sur une communication orientée vers les solutions, avec hiérarchisation du menu, simplification, méthodologie de travail en équipe et réflexion autour des problèmes interpersonnels afin qu’ils ne pourrissent pas indéfiniment les motivations et les actions du groupe.

Voila !

Un commentaire sur “Cauchemar en médecine

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  1. Merci pour cet article, je ne pouvais pas rêver lecture plus inspirante dès le réveil ! En tant qu’aide-soignante, j’ai fui l’hôpital après le diplôme parce que le chantier de la communication au sein des équipes m’apparaissait gigantesque et insolvable. Le domicile, où le patient est meilleur maître de ses soins, est devenu mon lieu d’exercice que j’aurais du mal à quitter quand on ne sait pas après sur quelle équipe on va tomber. Belle journée et plein de courage pour ce merveilleux projet « Cauchemar en médecine » !

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