Cherchez la surveillante du bloc, ou des étages, elle est en réunion, la pharmacienne idem, le directeur des soins est en staff soignant, la diététicienne en rencontre d’organisation des repas, la responsable du secrétariat en COPIL, le directeur en CODIR, etcétera. Dans le milieu de la santé, essayez de joindre un cadre, ce ne sera pas possible, durant les réunions cela ne se fait pas de répondre au téléphone.
Les cadres étant injoignables, cherchez un médecin. S’il n’est pas en consultation, ou au bloc, allez le chercher en … réunion. Lle docteur n’est pratiquement jamais à l’initiative de la réunion, puisqu’il n’a pas de temps libre pour ce faire. En revanche, de nombreux praticiens « assistent » aux réunions de leurs établissements. Ils le font soit par obligation, soit pour leur intérêt personnel, ou pour l’intérêt de l’établissement ou ils bossent. Selon son établissement, l’horaire de la réunion à laquelle un médecin peut être présent, est différent. De l’heure du déjeuner ou du diner dans le privé, à un horaire pris sur son temps médical dans le public. C’est à contrecoeur qu’il annule ses consultations, mais que ne ferait-on pas au nom de la sacro-sainte obligation.
Une réunion a 2 objectifs inavouables : la première, réfléchir autour d’une procédure censée concerner toutes les personnes présentes et pressenties afin d’élaborer une synthèse. Une vraie synthèse lors d’une réunion sérieuse se traduit d’évidence par un tableau de type powerpoint . Seconde et incontournable finalité d’une réunion, la production d’un compte rendu à envoyer en fichier joint. Si une production écrite, voire chiffrée, diffusable au max de gens, est issue d’une réunion, alors non seulement on peut considérer la réunion comme réussie, mais plus encore, on disposera des moyens de le faire savoir à tout plein de gens. Bien sur, les destinataires des compte- rendus, soigneusement triés sur le volet des adresses mails sont réputés hyper-passionnés par la lecture de ce texte.
Toute réunion organisationnelle s’entend, pas un staff médical, se compose de présents et d’absents. Les présents sont généralement un peu toujours les mêmes, celui qui organise la réunion, évidemment, puis ceux qui ne peuvent pas y échapper , et enfin ceux qui se croient obligés de venir, sans oublier les rares que le sujet intéresse. Les absents n’ont pas toujours tort. Ils sont souvent l’objet d’attentions particulières. Ils seront soit stigmatisés (il exagère, franchement, il ne vient jamais aux réunions, sous entendu, quelle honte de préférer sa liberté) soit regrettés (nous regrettons que truc n’ait pu venir à la réunion, il est désolé, car il avait une autre réunion, sous entendu sa présence serait indispensable). Le compte rendu final prendra bien soin de préciser que certains absents ont de l’éducation (ils figurent à la rubrique excusés) et d’autres sont des goujats (ils sont marqués, sèchement, absents)
Le fruit des réflexions issues d’une réunion est parfois porteur d’actions . Ce fruit sera donc partagé par mail avec plein d’autres personnes. Celui qui s’est fait ch.. à rédiger le compte rendu se console face à sa console en espérant le lecteur fébrile, cliquant en hâte sur son fichier joint, passionné de découvrir ce qui se passa au cours de la réunion et d’appliquer les recommandations.
Les réflexions issues des réunions génèrent souvent des actions à réaliser. Remarquons aussitôt une curiosité assez courante de ces actions : ce ne sont pas souvent les acteurs de la réunion qui concluent : nous allons faire ceci et cela. Bien plus souvent, les acteurs d’une réunion concluent que d’autres qu’eux devraient faire telle ou telle action. En leur intimant l’ordre de se réunir à leur tour pour envisager les actions suggérées. Le lecteur du compte rendu s’en doute, d’ailleurs ; et de fait, les cibles de l’envoi d’un compte rendu se sachant aussi les cibles potentielles des actions a mettre en œuvre, développent une panoplie de stratégie d’évitement afin de ne pas lire ces fameux textes joints . Cela va du « non, je n’ai reçu aucun mail de toi » à « il a du passer en spam »… Du coup, l’information se perd… les cibles ne sont pas informées correctement de l’action. Les actions d’a
méliorations censées démarrer dès leur planification en réunion tardent à se mettre
en place spontanément.
L’action et le changement n’étant pas les enfants des personnes assises dans des
fauteuils et produisant des PowerPoint et des compte- rendus de travail, quand bien même
la réunion a acté l’importance d’agir et de changer, la route est encore longue. L’action et le changement, c’est une sorte d’éducation thérapeutique. L’éducation au changement ne se fait pas en un jour, surtout, elle ne peut se faire depuis un fauteuil. Pour évoluer dans le sens préconisé, l’implication sur le terrain devrait avoir autant de place que les réunions. Ce qui, trop souvent, fait défaut dans les organisations managériales du monde médical actuel. Peut-être est ce parce que les médecins ne sont pas assez impliqués dans le management de leurs propres organisations professionnelles, au-delà de leur (louable) présence aux réunions ?
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