Deuxième Avis ou les conditions idéalisées de l’exercice médical…

Topissime,  ce nouveau site.

https://www.deuxiemeavis.fr/

Deuxième avis, ça me parle ! En tant que spécialiste, je suis habitué de donner des « avis ». Avis diagnostiques, avis thérapeutiques, tel est mon rôle. Souvent un premier avis, demandé par le MG, mais très fréquemment  aussi un deuxième avis, demandé soit par le médecin, soit par le patient (qui ne me dira pas forcément qu’il a déjà consulté pour la même chose).

Déjà, je tiens à situer la manière dont cela se passe. En rencontre physique chez le médecin, veux-je dire. Mes avis c’est du temps (minimum 20 minutes, voire 2 fois plus si dossier complexe). Et mon tarif, c’est  46 euros si pas de dépassement, mais  plus généralement 60 euros. Ce tarif comprenant les monstrueux dépassements d’honoraires pourfendus par bien des CISSiques acharnés.

Je me marre donc en voyant le CISS promouvoir (http://www.leciss.org/espace-presse/actualit%C3%A9s/deuxi%C3%A8me-avis-m%C3%A9dical) et applaudir la création d’un site sur lequel la consultation sera au tarif de 295 euros (pour ne pas dire 300). Ils auraient du, comme au supermarché, mettre ça à 299! . J’ai néanmoins plaisir à lire que 120 euros sont destinés à rémunérer le praticien donnant un second avis.

Comparons les conditions et les moyens dont dispose notre médecin de base et le superdoc de recours pour donner un avis éclairé et éclairant.

Les conditions de réflexion du superdocmédecin de deuxième avis seront optimales.  Et la, franchement, je l’envie encore plus pour ses conditions de travail que pour le fric qu’il gagnera.  Il disposera d’un VRAI DOSSIER avec TOUS les éléments dont il a besoin pour étayer son avis. Tranquillement installé derrière son bureau, il lira l’histoire clinique en 4 minutes, au lieu de la retracer en 10. Il disposera des résultats d’examens, et des clichés sélectionnés. Il ne sera pas dérangé dans sa réflexion par les interrogations des consultants, qui veulent généralement savoir, à peine la consultation commencée, ce qu’ils ont et ce qu’il faut faire.  Sans parler du temps de l’examen clinique économisé.  Il pourra même se payer le luxe de dire qu’il ne peut pas donner d’avis s’il manque des informations dans le dossier.

Parlons maintenant de la consultation du médecin de premier avis, celui dont on doit vérifier l’avis après chez un superdoc.

Outre le fait d’avoir face à soi le patient, et donc d’échanger avec lui, ce qui perd du temps et de la concentration,  le doc premier avis ne voit  chaque jour que des VRAIS PATIENTS,  et les circonstances dans lesquelles il réfléchit sur leurs cas sont fondamentalement différentes.

Le docpremier avis bataille avec les ordonnances pas apportées, les pilules blanches, docteur vous voyez. Et puis les examens laissés à la maison – ah, bon, le médecin dans sa lettre, il ne vous a pas mis TOUS mes résultats ? – mais mon médecin ne  m’a pas dit de les apporter-.  Et puis les souvenirs flous. Vous avez fait une coloscopie, l’examen pour lequel on vous donne une purge. Euh, oui, je crois. Quand, ? je sais plus ? quel résultat ? On ne m’a pas dit… On vous a donné un traitement de l’helicobacter pylori ? Euh, je ne sais pas… Vous avez fait des prises de sang ? oui, et « tout » était normal. Comment deviner tout quoi était normal quand on n’as pas les résultats sous les yeux.  Tous les patients ne sont pas comme ça, bien sur. Il y a heureusement ceux qui ont pensé à apporter leurs examens.   Ils posent 12 enveloppes et 6  pochettes de radio sur le bureau. Reste juste à faire le tri.  15 résultats biologiques des 10 dernières années, dans le désordre, certains en 3 exemplaires. Des pochettes radios à fouiller pour  les comptes-rendus, comme par hasard déjà rangés par erreur dans la mauvaise pochette par un médecin précédent. Puis le disque du bon scanner à trouver et à installer sur son ordi pour contrôler les images pathologiques décrites, parce que je rappelle qu’on peut accuser un médecin d’avoir seulement lu le compte rendu du radiologue sans vérifier les clichés.  

Moyennant quoi,  à la fin de la consultation, qu’elle dure 20, 30 ou 40 minutes, le docpremieravis en a passé 18, 28 ou 38 à ne pas avoir la concentration nécessaire à une réflexion optimale. Et  à la fin , il est censé donner un avis éclairé.

Deuxième avis, c’est en fait ce que l’on devrait faire pour tous les avis médicaux.

Hormis cas d’espèces, trucs hyperspécialisés, bien sur.

Je prétends que tout médecin disposant d’un dossier complet, d’une histoire clinique bien décrite,  de suffisamment de temps, notamment pour faire de la bibliographie sur le cas du patient, et par ailleurs bien rémunéré à 120 euros la consultation, serait capable de faire aussi bien que ceux qui vont donner un second avis. De telles conditions permettent de donner un avis, de l’expliquer, de le motiver.

Il est clair que les médecins ne peuvent pas faire 100% de bons diagnostics sans en avoir les moyens logistiques et les conditions d’exercice adaptées, surtout si l’on critique les restes à charge que les libéraux imposent  aux patients, tandis que l’on approuve de les faire payer 3 ou 4 fois plus cher pour des avis que nous pourrions tous donner aussi bien si l’on travaillait dans ces mêmes excellentes conditions.

 

 depositphotos_54904089-Second-opinion

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