Le plus important pour les patients en matière de santé c’est quoi : La médecine ou les médecins ? Je vous pose la question….
La médecine a fait d’immenses progrès ces dernières décennies. Pour les diagnostics avec le développement de technologies de plus en plus sophistiquées et efficaces. Pour les thérapeutiques, des médicaments agissent sur de nombreuses maladies, avec même parfois tellement d’effets qu’il y en a même des indésirables. Ajoutez la prévention, les vaccins, toutes actions de santé publique qui protègent les gens, et permettent d’augmenter régulièrement l’espérance de vie.
Pour autant, l’espérance de vie augmente, mais pas la durée de vie en bonne santé. Du coup, on a besoin de la médecine pendant de nombreuses années notamment toutes celles qu’on passe en santé précaire.
Les patients s’exprimant de plus en plus à propos du corps médical*, on remarque qu’une large majorité des critiques qu’ils émettent semblent porter plus sur la manière dont ils ont été pris en charge que sur la prise en charge médicale elle-même. Ils critiquent donc les médecins plus que la médecine.
Illustration: posez la question suivante : « vous sentez-vous bien soigné ». Nul ne vous dira : oui super, le diagnostic a été vite fait chez moi grâce à l’IRM, et j’ai un anti-hypertenseur génial, un antidiabétique qui marche super top. En fait, la réponse à cette question « vous sentez-vous bien soigné » est presque invariablement (au choix) : oui, j’ai un très bon médecin, ou non, mon médecin ne m’écoute pas, est trop rapide, ne fait pas attention à moi, etc…
En fait, en matière de santé, les progrès de la science, des thérapeutiques, des moyens diagnostiques sont pour le patient des trucs naturels, des choses acquises, sur lesquels ils pense pouvoir compter sans se poser trop de questions. En fait, en matière de santé, c’est ce que les patients ressentent à propos de leurs médecins qui est le fait dominant du soin. De leurs médecins – et pas seulement. De tous leurs autres soignants. De l’humanité de leur prise en charge médicale.
La compétence du médecin consulté à utiliser les progrès de la médecine pour faire les bons diagnostics, donner les traitements les plus efficaces est au second plan derrière la qualité de la relation. Ce qui peut être trompeur. En effet, être charismatique ne signifie pas forcément qu’on a les bonnes connaissances médicales. A l’inverse, être plus effacé, plus incisif, voire agacé, ne veut pas dire que l’on est un mauvais médecin.
Nous avons dit et nous en sommes heureux, la médecine a évolué, en bien, en progrès constants. Mais, les médecins ? comment ont-ils évolué ? Bien sur, ce sont toujours des humains, assez généralement doués d’empathie envers leurs patients, néanmoins, il est clair et tout le monde le dit (et s’en plaint), les médecins ne sont plus ce qu’ils étaient. Or, les patients auraient bien voulu qu’ils restent comme autrefois.
En pratique, les patients demandent à la fois de bénéficier des progrès en matière de diagnostic et de thérapeutique, mais aussi de garder des médecins à l’image de ceux d’autrefois. Le premier rêve de tous les consultants est de rencontrer le « bon docteur » de dans le temps. Sauf que…. sauf que ce bon docteur est celui de l’époque ou la nature seule guérissait les maladies, ce bon docteur n’avait à donner que son temps et son écoute et n’en était donc pas avare. Il ne disposait pas d’autre exploration que ses mains, un stétho grinçant, et hormis la poudre de perlimpinpin diluée dans la bouse de rat, il n’avait pas à sa disposition de médicament actif.
Il y a donc une ambiguïté pas facile à gérer dans ce que les patients attendent des médecins. Ils attendent d’un médecin du XXIè siècle l’usage des techniques modernes, et le même relationnel que les médecins de famille d’antan. Comme si d’une certaine manière, toutes ces techniques n’étaient rien à côté du bien que peut faire le médecin juste par sa personne, sa personnalité, son maintien, son comportement.
Remarquons certains faits qui rendent ce challenge difficile pour les médecins. Ce fait est que c’est la même personne qui est maintenant chargée d’être à l’écoute des patients, de leur consacrer du temps, mais aussi les guider dans tout leur parcours de soins, y compris souvent pour avoir des rendez-vous, demander puis récupérer et analyser les résultats des explorations, scanners, IRM, prises de sang, faire des ordonnances de qualité, et même recontacter les patients dont ils sont chargés du suivi, etc…
Dans le temps imparti à l’activité médicale, comment assurer toutes ces fonctions ? gérer les parcours de soins, avoir assez de temps communicationnel pour que le patient se sente pris en charge avec attention, et bien sûr entretenir son socle de connaissances en continuant à se former de manière continue. Sans oublier la gestion de l’entreprise libérale que constitue maintenant un cabinet ou un centre de santé.
Soigner avec toutes les données de la science , des connaissances à jour, les bons examens, les médicaments adaptés (la bien-traitance), ET en même temps avoir la personnalité, le maintien et le comportement attendu par chaque patient (la bientraitance), sont les 2 missions des médecins. Mais en pratique quotidienne, les médecins ont-ils assez de temps pour assurer parfaitement ces 2 missions comme on l’exige d’eux ?
Le temps de consultation permet-il à un médecin de faire preuve à chaque fois de ces 2 qualités ? et si, par le fait des circonstances, un des paramètres devait être dominant lors d’une consultation, lequel choisiriez-vous ? La médecine ? Ou les médecins ? C’est cette question que devraient se poser certains patients quand ils sortent mécontents d’une consultation* ….
Question difficile, on ne peut pas avoir les deux ? Je dis d’abord un bon médecin avec l’appui d’une bonne médecine
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Qu’est-ce qu’une bonne médecine ? Celle qui, soignant avec efficacité un mal, déclenche toutes sortes de maux collatéraux qui faudra alors soigner…
J’apprécie beaucoup vos articles (que je relaie très souvent). En avez-vous écrit un sur la différence entre « soigner » et « guérir » ?
Merci, en tout cas, pour tous vos cris et tous vos chuchotements médicaux !
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C’était vraiment très intéressant, je ne me l’étais jamais formulé comme ça, mais c’est une manière très claire de résumer une de ambiguïté actuelles dans le rapport à la médecine ! Il est clair qu’on aurait tout intérêt à se questionner sur les problémes d’ordre structurel dans les institutions médicales, manque de temps, de moyens, de formation parfois…qui créent ce sentiment chez certains patients de ne pas être suffisamment considérés (à juste titre parfois notamment dans des situations dramatiques, je pense aux derniers témoignages sur le blog aupaysdeleonie.com). Je pense partager cet article pour alimenter la discussion. Si jamais vous aviez un moment, j’ai consacré récemment un article qui traite en partie du rapport à la médecine dans le contexte de la médiatisation de la tribune contre les « Fakemed ». J’ai eu pas mal de retours et surtout des commentaires très longs, manifestement c’est une question qui ne laisse pas indifférents…
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