VI- L’homéopathie fait-elle faire des économies de santé ?
Sixième chapitre du post consacré aux homéopathes
L’argument des économies de santé est un argument très utilisé pour défendre le remboursement de l’homéopathie par la sécurité sociale.
Plusieurs arguments non scientifiques sont mis en avant pour expliciter des économies liées aux médicaments homéopathiques :
- Les médicaments homéopathiques remboursables se situent à un niveau de prix quatre fois inférieur à la moyenne de prix des médicaments remboursables français
- Les médecins homéopathes prescrivent moins de traitements allopathiques en complément, notamment antibiotiques et anxiolytiques et ils produisent en moyenne moins d’actes : c’est exact (mais rien ne dit que les patients ne vont que chez l’homéopathe…). Les statistiques de la Sécurité sociale montrent que les coûts remboursés annuellement pour un médecin homéopathe représentent en moyenne 1027 K€ contre 1939 K€ pour un médecin généraliste, soit une économie de l’ordre de 47 %. Cependant, peut-on comparer les activités ?. Les patientèles des généralistes et celles des homéopathes sont différentes. Les patients sont souvent soignés par une double filière, homéopathe d’un côté, généraliste de l’autre, et peut-être finalement que le coût total des prescriptions additionnées est plus élevé ? De plus, dans une époque ou l’on aurait besoin que tous les médecins fonctionnent au max, un médecin qui voit moins de patients n’est pas économiquement souhaitable.
De plus, comme c’est pas cher, et que c’est remboursé par la sécu (avant à 40%, maintenant à 30%), et qu’on est français ma foi, autant ne pas s’en priver. La France fait partie des plus gros prescripteurs/consommateurs mondiaux d’homéopathie. Un français consommerait 6 fois plus d’homéopathie qu’un américain du nord. Du coup, un grand laboratoire français spécialisé en homéopathie « affiche 617,5 millions d’euros de chiffre d’affaires au compteur, dont 61,3% réalisé en France. Dans l’Hexagone, ses résultats sont même en hausse annuelle de 2,1%. Une situation confortable qui lui permet d’employer 3718 salariés dans le monde, dont 2528 en France » lien article
En France, l’homéopathie représente entre 1.2 et 2% (selon les estimations) des ventes de médicaments (en prix, pas en quantité). Sachant que le prix est faible, ce montant de vente représente pour la partie remboursée par l’assurance maladie exactement 129 001 456 boîtes de granules, solutions liquides et autres pommades homéopathiques en 2016. Les « préparations » homéopathiques remboursées ne sont pas comptabilisées dans ce nombre de boites, mais constituent une part supplémentaire de remboursement par la sécurité sociale.
Il est intéressant de remarquer que la majorité des médicaments homéopathiques sont vendus directement en pharmacie, sans ordonnance et sans remboursement. De ce que je comprends de mes lectures, il se vend bien plus d’homéopathie en vente directe non remboursée que médicalement prescrite. De plus, en 2011, le taux de remboursement des médicaments et préparations homéopathiques a été abaissé par décret dans une fourchette de 25 à 30%, contre 30 à 40% précédemment. Cette diminution de remboursement ne semble pas avoir affecté la croissance française de l’homéopathie, toujours en dynamique positive. On pourrait imaginer qu’avec un déremboursement, au-delà de l’impact psychologique toujours négatif dans notre pays (c’est pas remboursé, j’en veux pas même si c’est pas cher), le marché ne faiblira pas.
Mais, sommes-nous totalement convaincus lorsque l’on nous dit que c’est pas cher, que c’est une petite goutte de dépense dans l’océan des dépenses de la sécurité sociale. On aimerait bien trouver un petit article scientifique qui nous prouve que c’est vraiment économique de donner des traitements homéopathiques. Justement, une étude sérieuse, large et scientifique, posant cette question est parue en septembre 2017.
Analyse rétrospective des coûts d’un traitement homéopathique supplémentaire en Allemagne: résultats économiques à long terme
Julia K. Ostermann, Claudia M. Witt, Thomas Reinhold @PLOSONE texte intégral
Une grande cohorte de patients a été étudiée : 21 939 patients du groupe homéopathie (67,4% de femmes) et 21 861 patients du groupe témoin (67,2% de femmes). L’objectif : fournir une comparaison des coûts à long terme des patients utilisant un traitement homéopathique supplémentaire (groupe homéopathie) avec des patients bénéficiant des soins habituels (groupe témoin) sur une période d’observation de 33 mois.
Les coûts de soins de santé au cours des 33 mois ont été de 12 414 EUR [IC 95%: 12 022–12 805] dans le groupe homéopathie et de 10 428 EUR [IC 95%: 10 036 à 10 820] dans le groupe témoin (p <0,0001). Les différences de coûts les plus importantes ont été attribuées aux pertes de productivité (homéopathie: 6 289 EUR [6 118- 6 460]; contrôle: 5 498 EUR (5 326 à 5 670), p <0,0001) et aux coûts des soins ambulatoires (homéopathie: 1 794 EUR [1 770 à 1 818]; contrôle: 1 438 EUR [1 414–1 462], p <0,0001). Bien que les coûts des deux groupes aient convergé au fil du temps, les différences de coûts sont restées tout au long des 33 mois. Pour tous les diagnostics, les patients homéopathiques ont généré des coûts plus élevés que les patients témoins.
En conclusion : L’analyse a montré que sur une période de 33 mois, quelque soit le diagnostic, le coût des patients ayant recours à l’homéopathie est plus élevé que celui des patients contrôles. La plus grande différence concerne les patients dépressifs (25 107 € vs. 21 892 €)
Au moins une conclusion peut être ajoutée à titre personnel : oui, c’est moins cher, oui, ce n’est pas fort, mais non, au final, il n’y a pas d’économies de santé générée par l’homéopathie, à ce que démontre cette étude. L’homéopathie pas chère s’ajoute malgré tout au traitement conventionnel générant au final des dépenses de santé plus élevées pour les patients utilisant l’homéopathie.
L’argument consistant à dire que l’homéopathie est un facteur d’économie de santé ne tient pas, au vu de cette étude. Certes, ce n’est qu’une seule étude, mais elle est sérieuse, a concerné énormément de patients, avec un suivi de près de 3 ans, un groupe témoin, et une significativité très très très significative. Pour les novices (p <0,0001) signifie que qu’une différence constatée est très fortement significative.
La prochaine fois on va analyser comment les médicaments homeopathiques obtiennent les autorisations de mise sur le marché.
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