Le plus souvent les femmes qui disent ne pas parler le français après tant d’années passées dans le pays, c’est seulement qu’elles n’osent pas. Il s’avère rapidement qu’elles comprennent les paroles du médecin, et ont assez de mots pour répondre, même succintement. C’est la peur qui les bloque, peut-être le confinement d’une famille qui ne leur a pas laissé la permission de s’exprimer. La compréhension est en fait tout à fait possible, voire étonnamment facile.
En plus, comme pas mal de mes collègues, je parle toutes les langues. 18 ans passés dans un CHU à clientèle internationale, rend apte à communiquer sur les douleurs abdominales avec à peu près tous les êtres de la planète. A condition qu’ils acceptent que l’effort de communication soit bilatéral, sinon les gestes, mimiques, soupirs et froncements divers ne jouent pas leur effet de lien.
Seulement avec quelques uns, rien ne passe. Vous avez beau les chercher du regard, ça n’accroche pas. Les mots simples ne déclenchent aucun écho. En plus dans quelques langages, le code gestuel est différent, non compréhensible et ne solutionne pas le barrage de communication .
Il s’agissait cet après midi d’une patiente berbère. Sa petite fille a fait la traduction, mais pas moyen de déclencher une résonnance chez la malade. Elle n’était pas soucieuse de chercher la motivation à suivre et à comprendre .
Le côté sombre de la chose est dans l’examen. En effet, vu les symptômes, des endoscopies sont nécessaires. Seulement, ce jour là, la famille va s’arrêter à la porte du bloc, si elle a déja le courage de l’accompagner jusqu’ici. Puis ensuite la patiente rentrera, telle une autiste sourde et muette, dans un monde d’incompréhension anxiogène.
J’ai bien pensé les rassurer, en leur disant que plein de gens parlaient arabe à la clinique. Mais cette patiente ne parle pas l’arabe, seulement le berbère, et ne comprend pas non plus l’arabe.
29 ans en France, et pas un mot de français !
Ca doit lui rendre la vie quotidienne sacrément difficile , cette langue très étrangère !
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