Qu’est ce que je risque ?

Mardi après-midi, première consultation d’un nouveau  patient . Il se plaint d’une constipation opiniâtre depuis une dizaine de jours . Sévère + Caractère récent = pas normal.  

Rien d’autre, sauf de vagues gênes urinaires.  En l’examinant, j’ai l’impression d’un empâtement, une masse peut-être, mais il est gros, il faut des examens.


Sourire en coin.. cet universitaire a demandé conseil à ses collègues à propos de sa constipation !  Quand un universitaire rencontre un autre universitaire, eh bien, oui, ils se parlent de leur transit ! En tous cas, il en a certainement discuté avec plein de gens,   car il a déjà tenté  sans succès 3 médicaments différents.


Passé le sourire, grincement intérieur. Ca sent le merdome. Avec comme première orientation un possible cancer sténosant du colon.


Bilan demandé : scanner, et bien sur la colo, en bousculant les anesthésistes pour obtenir un rendez-vous en fin de semaine.  Une prise de sang un peu générale, on appelle ça «  de débrouillage », qui va à la pêche d’une anémie, d’une inflammation. Un bilan rénal à cause de la gêne urinaire.


Mercredi 14 heures : une  secrétaire de la clinique me transmet sur mon portable l’appel insistant du laboratoire d’analyse. En fait, les examens viennent de découvrir une insuffisance rénale majeure, et récente, alors que le précédent  bilan dans le même labo en juin était normal.


C’est simple : il faut prévenir le patient et le faire hospitaliser au plus vite.


C’est simple et pas simple. Parce que le mercredi après-midi, je ne suis pas à la clinique et ma secrétaire part à 13 heures. Je ne suis pas à la clinique, mais mes dossiers et les coordonnées du patient y sont ! Dans les bureaux fermés à clé !


Rétrospectivement, je m’interroge :


  • Comment aurais-je fait si je ne disposais pas une connexion de l’extérieur vers  mon dossier informatique pour récupérer le numéro de téléphone du patient ? par exemple si le numéro avait seulement figuré dans un dossier papier rangé dans un tiroir de mon cabinet, alors qu’il n’y avait personne pour le sortir avant le lendemain matin ?

 

  •  Comment aurai- je joint le patient  s’il n’avait pas répondu au téléphone. Il n’avait donné que son numéro personnel. N’avait pas voulu laisser de numéro de portable. Ca a sonné tellement longtemps occupé que j’ai craint que son téléphone fut mal raccroché. Mais si je n’avais pu le joindre ainsi, quelles étaient mes obligations légales ? débarquer chez le patient moi-même, ce qui impliquait d’arrêter mon autre activité et de faire 15 kilomètres, étant donné que je n’étais pas près de chez lui.  Téléphoner à son généraliste en espérant qu’il ait le temps de passer chez lui ? Appeler les flics ? les pompiers ? mais pour une insuffisance rénale même sévère, même risquant de bousiller les reins, se seraient-ils déplacés ? .

 

  • Pouvait-on mettre en cause ma responsabilité si le patient n’avait pas répondu au téléphone ? Comment prouver que j’avais essayé de le joindre à de multiples reprises ? interrompant d’ailleurs pour ce faire toutes mes activités en cours, ce que tout le monde considère comme normal, sauf les gens dont j’étais censée m’occuper à ce moment la.

 

  •  Quelle aurait été ma responsabilité si le patient finalement prévenu par téléphone avait refusé d’aller aux urgences au plus vite.  Prévenu à temps, il ne pourra pas me mettre en cause s’il reste avec une insuffisance rénale définitive, j’ai mis en oeuvre le nécessaire et sans retard, pour qu’il soit pris en charge. Et.. s’il n’avait pas voulu suivre mes consignes, et se rendre aux urgences sans délai, quel moyen avais-je de prouver que je l’avais prévenu ? . S’il n’avait pas voulu se rendre aux urgences, pourrait-on imaginer qu’il soit en mesure ensuite de m’attaquer pour perte de chance, en alléguant qu’il n’avait pas compris mes explications et le caractère urgent de la prise en charge ?

En plus, j’aurais été responsable, mais pas coupable. Parce qu’il n’est même pas malade dans ma spécialité !  L’insuffisance rénale est consécutive chez à un blocage des voies urinaires par pathologie prostatique!


Tout le temps que cela m’a pris de le joindre, je peux vous assurer que j’ai gambergé.

 

 

 

2 commentaires sur “Qu’est ce que je risque ?

Ajouter un commentaire

  1. la première question concernant la récupération du n°tel du patient m’étonne un peu mais je suppose que votre cabinet se trouve dans une clinique fermée j’ai des dossiers papier mon cab et mes dossiers sont accessibles 24h/24 (500m à faire) et dans ce genre de cas je plonge dans mon fichier… pour le reste vous avez eu le bon réflexe et je conserve ce post en mémoire pour ne pas céder à mon réflexe « facile » d’appeller le médecin traitant qui va peut être mettre du temps à se bouger le c…

    J’aime

    1. Précision: mon cabinet est en effet dans une clinique, mais pas à 500 mètres de chez moi. Quand à mes dossiers patients, ils se trouvent d’une part dans le logiciel d’établissement, auquel je ne peux accéder de l’extérieur, mais également dans mon logiciel personnel qui se trouve dans le système informatique, et auquel un portail me permet d’accéder de n’importe ou. Ainsi je peux consulter tous mes dossiers patients en me connectant sur le portal ! Pour la solution du médecin traitant, j’y ai songé, mais je me suis dit que ce n’est pas plus son boulot que le mien et que je pouvais m’en occuper. Je pense que je l’aurais contacté si je n’avais pu joindre le malade, mais je ne sais pas ce que cela aurait apporté comme solution.

      J’aime

Répondre à M.L. Annuler la réponse.

Un Site WordPress.com.

Retour en haut ↑