Médecin et …riche?

Hors des sentiers battus des idéologies de gouvernants qui ne cessent de clamer que la médecine est chère et que plus personne ne peut se l’offrir en France, j’ai envie de clamer que oui, mon métier est riche.


Je fais des consultations de riche : dans mon cabinet, tout le monde est traité avec égard. Riche ou pauvre, un peu ou beaucoup malade, aucune consultation ne dure moins de 20 minutes.  Je fais pour tous une médecine riche. Je n’expédie personne, je réponds au téléphone, j’ai une secrétaire ultra-efficace que je paye ultra-cher.  Je fais des dépassements d’honoraires, modérés, et pas pour tous. Ceci dit, j’estime que faire payer moins cher à quelqu’un qui me semble moins riche, c’est en quelque sorte le mépriser. Ma consultation est un service. Mon dépassement de consultation n’excède jamais 20 euros. De ceux qui fument, je n’ai pas pitié. 20 euros, ça leur fera 3 paquets de clope de moins. Pour certains, même des peu fortunés, cette dépense inédite est parfois une sorte d’atout.  D’une part, parce que ce qui coûte un peu plus cher est forcément meilleur, donc cela augmente l’effet positif (placebo ?) de ma consultation. D’autre part, parce qu’ils n’auront pas trop envie de venir souvent étant donné que c’est plus cher, et que finalement, ce tarif plus élevé limite leur envie de consulter de manière trop répétée (effet placebo ?).  Quel que soit le tarif de la consultation, et même pour ceux qui ne payent pas, CMU, prise en charge ALD, etc, le malade de mon cabinet sera vu aussi longuement, écouté, et considéré avec générosité.


Je ne cherche pas à savoir si les malades sont riches : je m’en fous. Je ne fais pas partie de ceux qui ne soignent des patients que s’ils connaissent les coordonnées et taux de prise en charge de leurs mutuelles. Je ne calcule pas mes prix en fonction de ces paramètres. Ce n’est pas de la médecine, mais du business, et ce n’est pas mon genre.


Je cultive la richesse des échanges: j’ai beau être un spécialiste, et pas le médecin traitant, j’essaie dans la mesure du possible d’avoir avec les patients des relations d’échange riches.  Evidemment, si l’on me  consulte ponctuellement pour une thrombose hémorroïdaire à exciser, je ne vais pas en même temps discuter  de leur vie de famille. Mais les spécialistes suivent aussi nombre de patients chroniques, soit pour un temps de vie malade, le cancer du côlon par exemple, soit pour des pathologies  au long cours de type maladies inflammatoires digestives.  En gastro, nous voyons aussi beaucoup de patients atteints de douleurs fonctionnelles, qu’on ne peut pas soigner correctement si les troubles ne sont pas insérés dans leurs parcours de vie, dans leurs soucis personnels et professionnels. Alors, avec tous les patients, j’essaie d’avoir des échanges riches. Je le leur laisse un temps pour parler, d’eux, de leurs douleurs, de leurs émotions. Car, oui, tous les patients sont riches. Et tel riche n’a rien en lui, alors que celui qui parait pauvre est souvent d’une richesse intérieure profonde.  Avoir des échanges positifs rend dans tous les cas la vie plus riche.


J’ai des conditions de travail de riche : au début de mon parcours libéral, j’étais installée dans un cabinet de ville, avec des médecins généralistes, et pas de secrétaire. J’ai appris à taper sur un clavier avec mes 10 doigts pour gagner du temps en faisant les comptes-rendus. J’ai manié le balai après les consultations pour faire le ménage, étant donné l’impossibilité de recruter une personne pour une heure par jour en dehors des heures ouvrables dans un cabinet médical. En endoscopie, on n’avait pas d’aide infirmière professionnalisée. Les médecins se chargeaient eux-mêmes des protocoles de désinfection des appareils d’endoscopie.  Un jour, je suis venue m’installer au sein de Grande Clinique pas loin. Maintenant, j’ai conscience de travailler dans des conditions de richesse que tous les médecins et leurs patients aimeraient connaitre. La clinique gère les locaux et le ménage, j’ai économisé ces préoccupations, je les paye, c’est un échange. Les conditions de travail, de sécurité, de propreté des blocs sont incomparables. La structure m’offre toutes les possibilités d’obtenir des radios, scanners, investigations, au plus vite. Un service d’urgence peut accueillir mes patients 24h sur 24. J’ai le sentiment constant et agréable de la richesse de mes conditions de travail.  Même si pour cela, je paye beaucoup de charges, j’estime que c’est un excellent investissement.


Suis-je riche ? : un médecin n’est pas pauvre. Il gagne bien sa vie. Certains très bien, mais peu font partie du cercle des médecins qui savent « faire » de l’argent. La majorité des médecins gagne très bien sa vie, mais c’est en travaillant beaucoup d’heures et intensément. L’argent rentre dans les caisses à la sueur du front. Une journée entière de consultation sans relâche, avec un patient toutes les 2O minutes, ou une journée d’intervention au bloc, avec la pression, c’est très fatiguant.  Les horaires c’est jamais du 35 heures.  Donc je gagne bien ma vie, et cet argent qui me permet de vivre confortablement, j’ai vraiment l’impression de l’avoir gagné, pas de l’usurper. En tous cas, je m’estime  suffisamment riche pour ne pas penser sans cesse à l’argent, ce qui, à mes yeux, représente la vraie richesse.

 

Toutes ces richesses dans lesquelles je me complais se trouvent dans un registre bien éloigné des agissements politico-mutualistes qui n’ont de cesse de vouloir réglementer mon activité dans sa partie financière. Cette partie financière qui semble être le seul aspect de la médecine. Eh bien, non, l’argent n’est pas l’unique moteur du métier de médecin.


Comme une majorité de mes confrères, j’offre aux patients les meilleures conditions pour les recevoir, je leur consacre du temps, de l’attention, du relationnel, mon assistante les aide pour la partie administrative, je les considère tous avec bienveillance. Il y a de véritables et profondes  richesses dans le métier de médecin, dont le premier luxe est la valorisation de la relation humaine.  

3 commentaires sur “Médecin et …riche?

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  1. Bonsoir,
    Comme d’habitude, votre analyse est excellente et votre description toujours pleine d’humour.
    Evidemment, il n’ y a rien à ajouter.

    PS : cela n’a aucun rapport avec le sujet d’aujourd’hui, mais votre dernière phrase m’ a remis en mémoire un sketch de Raymond Devos :  » le possédé du percepteur » dans lequel il concluait que sa richesse était toute intérieure . J’aimais bien l’écriture de Raymond Devos et j’aime bien la votre aussi.

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