Méditations sur une grève dite courchevelesque…

Parler de « milieu » médical n’est pas une formulation anodine.  Cela sous entend une sorte d’économie souterraine, l’influence de puissances contraires voulant s’emparer du pouvoir.

Quelque part, il y a toujours eu du vrai à cela. Les médecins se veulent confrères, mais ce groupe professionnel soudé par en apparence par son appartenance commune, présente en réalité une aptitude  remarquable à jongler entre corporatisme et individualisme.

 

Le corporatisme est issu pour beaucoup de l’éducation reçue des maîtres, entretenue de longue date par la séparation des pouvoirs publics/privés.  S’orienter après les études médicales revient in finé à trouver son propre déterminisme. En raccourci, plutôt des titres et travaux et un sentiment de faire du social en restant dans le public, des honoraires libéraux et l’impression d’être libre en s’installant dans le privé.

 

Au delà d’un fort sentiment d’appartenance, les médecins sont pourtant des individualistes forcenés. Il y a autant d’individus en médecine que de motivations à exercer ce métier et à la manière de l’exercer. Il y a tant de réponses aux questions « pourquoi veux-tu devenir médecin ? » ou « comment veux-tu soigner tes patients ». Statut social, salaire, travail assuré, soif de connaissances, envie de savoir, de chercher, de comprendre, de soigner, de guérir. Histoire personnelle, parent médecin, parcours éducatif orienté. Dévouement total, partage de la médecine et de sa vie personnelle. Autant de médecins que de schémas.

 

Traversée de tant d’individualismes, la profession révèle ses difficultés d’adaptation.  

L’individualisme médical mâtiné de corporatisme induit des distorsions d’appréciation par les médecins. Chacun vient avec sa vision spécifique, chacun est « the » doctor qui détient la vérité. Les visions individuelles ne se fusionnent pas et génèrent des controverses au sein du « corps » médical. Sans parler de vraie fracture, on peut constater la fragilisation.

 

La fragilisation c’est qu’une profession sachant si bien être collective dans le refus, se révèle improductive dans la construction. L’énergie des médecins se gaspille dans une concurrence entre syndicats, entre groupes de pairs, publics, privés, généralistes, spécialistes, entre dates de grèves, jours de grèves idéaux ou couchevelesques.  Il en sort un discours sans cohérence, un discours compris par les seuls médecins, mais difficile à communiquer publiquement et cette impression cacophonique rend les plus motivés incapables de défendre des intérêts collectifs.

Ainsi, il apparait qu’il n’y a pas besoin de discréditer les médecins, ils se chargent de sonner eux-mêmes le glas de leur indépendance en étalant leurs divisions, leurs incapacités à se fédérer, et à diffuser un discours cohérent.

 

La santé est devenue un bien de consommation,  l’explosion de la dépense a introduit la notion de restriction et un incontournable contrôle politique. Les controverses parmi les médecins sont un boulevard pour les actions de ceux qui, eux, ont des objectifs déclarés, à savoir diminuer les dépenses de santé. 

 

Or, face à cette exigence sociétale, diminuer les dépenses de santé, nombre de médecins continuent de s’accrocher à l’imaginaire du soin, à estimer que se soigner reste un choix personnel des patients, sans vouloir admettre le glissement de la santé de l’individu à la santé publique et à son coût. Il reste inadmissible pour la plupart des médecins d’être traités comme des générateurs de dépense.

 

L’évolution serait pourtant que les médecins ne se positionnent pas en terme de repli, mais se mobilisent avec la société. Afin de faire des propositions tenant compte de ces profonds changements de paradigme. Revoir le paiement à l’acte agonisant et à des revenus décents.  Explorer la voie de changements garantissant l’indépendance professionnelle, mais aussi la médecine de proximité. Trouver des remèdes à l’inflation des tâches administratives et des contrôles bureaucratiques, ne pas se laisser étouffer par les spectres de la loi, de la sécu, des mutuelles.

 

Hélas ni les médecins libéraux, ni leurs syndicats ni la ministre ne semblent prêts à trouver un cahier de charges partagé à la guerre de position actuelle.

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