Une nouvelle forme de non-dialogue se répand de manière virale, ce sont les « bonnes raisons ». Les bonnes raison sont les dialogues de sourds entre gens qui estiment tous avoir raison.
Le pouvoir de nuisance de ceux qui prétendent détenir les bonnes raisons est incommensurable.
Au petit échelon de la vie quotidienne.
Normalement, les interprétations et les raisons sont des sujets de d’échanges, voire de discussions. Mais, du fait de la vitesse des informations, du manque de temps, le niveau de digestion des évènements reste superficiel. Du coup, beaucoup de gens expriment au premier degré leurs raisons brutes, et confondent leurs raisons avec LA bonne raison. Du point de vue de l’individu, SES raisons sont forcément de bonnes raisons. Certains estiment avoir encore plus raison quand ils prouvent à leurs interlocuteurs qu’ils ont tort.
Au quotidien, la défense de ses propres intérêts ou de ceux de son groupe est pour beaucoup de personnes une vraie bonne raison. Mais est-elle totalement compatible avec la vie en société ? (occupations de lieux pour de bonnes raisons, grèves surprises pour de bonnes raisons, etc) . Défendre ses raisons bloque les discussions de beaucoup de projets, quand chacun vient en fait juste pour prouver qu’il a raison? En écrivant cela, je songe aux échanges autour de la loi de santé. Une loin de santé, plutôt. Des échanges ? non, des rencontres fracturaires entre des gens tous détenteurs de bonnes raisons de défendre leur point de vue, mais pas décidés à se confronter pour de vrai aux bonnes raisons de leurs contradicteurs afin d’aboutir à un compromis.
A l’échelon de la planète
Ce n’est pas parce que les gens pensent d’une certaine manière qu’ils ont raison. Même si pas mal de gens sont d’accord avec vous, cela ne signifie pas obligatoirement que vous avez raison. Le fait d’être plusieurs à avoir la même raison n’est pas une raison suffisante pour affirmer que le raisonnement est juste et les faits exacts. Or la certitude d’avoir raison est dangereuse. Une manière abrupte d’avoir raison est la traduction d’une vraie intolérance. Imposer sa raison est un grand danger, surtout si l’on a les armes pour faire taire les contradicteurs. La folie meurtrière de groupes radicaux est dissimulée sous l’apparence de bonnes raisons. En fait, les bonnes raisons ne servent qu’à justifier des actes déraisonnables. En écrivant cela, je pense aux groupes radicaux qui tuent et ne font pas de cas de la vie humaine. Avoir raison à leurs propres yeux ne les rend pas forcément heureux, mais leur procure un sentiment d’inviolabilité.
Au quotidien : avoir des raisons ne signifie pas avoir raison
Celui qui est convaincu d’avoir raison va de l’avant, mais il exprime souvent le besoin d’écraser au passage ceux qui ne partagent pas son point de vue, surtout quand il dispose du pouvoir. Celui qui ne partage pas les raisons des autres, considère derechef que les raisons des autres ne sont pas bonnes. La raison n’a pas de cœur, elle ne s’attarde pas à l’échange, elle s’impose. Dans la vie quotidienne, dans le monde, celui qui veut tout le temps avoir raison est vite tyrannique pour les autres.
Gavés et drogués d’information, une information en efface une autre, et nous n’avons plus le temps de métaboliser. Nous nous contentons trop souvent de nous référer à nos propres raisons et d’en déduire que tous les autres se devraient de les partager.
Et si … Raison bien ordonnée commençait par raisonner soi-même en acceptant que d’autres ne partagent pas les mêmes opinions, en tenant compte du fait que les bonnes raisons des uns ne sont pas forcément bonnes aux yeux des autres.
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