Overblog étant devenu Overbug, ce blog est en cours de migration, Vous pourrez donc lire ce même post sur mon nouveau blog: https://cris-et-chuchotements-medicaux.net/
Une rencontre dans la rue, ce pluvieux matin de fin avril inspire les philosophiques écrits que vous allez lire.
Je n’ai pas rencontré un roi, ni sa femme, ni même le petit prince… juste ma voisine, qui s’en allait toute ébouriffée chercher ses résultats au laboratoire d’analyses médicales, sis au bout de la rue.
Si la voisine va chercher ses résultats d’examen la bas, c’est donc qu’elle a confiance dans le labo. Et ça, rien que ça, illustre de vraies améliorations du système de santé des dernières années.
Parce que, depuis les plus de 25 ans que je vis ici, le petit laboratoire d’analyse du bout de la rue a trimballé une réputation de labo de merde. Et en plus, jusqu’à récemment, c’était justifié. Hygiène pas top, accueil inconstant, mais surtout résultats d’examens pas fiables, malgré un médecin biologiste plutôt sympathique et travaillant beaucoup.
Parce que les petits labo de quartier n’avaient pas les moyens logistiques de réaliser toutes les analyses demandées. Et que, pour faire face à la demande, certains avaient des méthodes de mesure très personnelles. Par exemple, moi, le petit labo du bout de la rue, un jour que j’étais vraiment malade (eh oui, ça arrive aux médecins aussi), eh bien, j’y suis allée doser ma calcémie. Le résultat indiquant une calcémie normale, voire presque trop haute, ça m’a valu un bilan neurologique hospitalier des plus sophistiqués, scanners, IRMs, Ponction lombaire, EMG, etc… jusqu’à ce que quelqu’un ait la bonne idée de refaire le dosage de calcémie.. et de s’apercevoir que, non, ce n’était pas « juste du stress », mais une hypocalcémie majeure, voire potentiellement mortelle.
Idem, et prouvé, dans la clinique maintenant fermée, ou j’ai bossé durant 10 ans. On s’aperçut un jour que le labo donnait des résultats… sans faire les dosages ! Vu qu’il n’avait pas les appareils nécessaires, il risquait pas de pouvoir les effectuer. Des vrais ennuis avec la justice s’en sont suivis pour lui.
Mais bon, le plus souvent c’était une impression diffuse. Les labo du coin de rue, sans pouvoir expliquer pourquoi, tout le monde savait qu’il était préférable d’éviter.
Sans sauter du coq à l’âne, comment expliquer que ma voisine va maintenant en toute sécurité faire ses dosages au labo du bout de la rue et que cela illustre les progrès en santé ?
En quelques raccourcis, on peut expliquer que
- Les labo du bout de rue n’avaient plus les moyens de réaliser correctement les dosages et donc ne travaillaient pas très bien
- Ils n’ont pas pu maintenir ces petites activités éparpillées
- Du coup, ils se sont regroupés à plusieurs laboratoires d’un même secteur
- Du coup, à plusieurs, ils ont pu mutualiser les moyens et les investissements en matériel.
- Du coup, ils disposent du matériel adéquat pour réaliser correctement toutes les analyses prescrites.
- Du coup, c’est un progrès, car vous êtes assurés de recevoir un résultat correct.
Ca c’est un petit progrès à la con, mais des petits progrès à la con comme ça, il y en a eu bien d’autres depuis que je me suis installée, et je ne résiste pas à vous en raconter un de ma spécialité.
A l’époque reculée de mon installation, le lavage des endoscopes digestifs était une contrainte balbutiante et pas du tout entrée dans les pratiques.
En fait, encore avant, du temps de mon internat (au Moyen-Age, comme disent mes enfants !), on passait vaguement l’endoscope dans l’eau, puis on essuyait sa gaine externe. On ne lavait pas les canaux internes de l’appareil. Notamment parce qu’on n’avait rien pour brosser un canal de 1m30 de long.
L’arrivée du Sida s’étant chargée de sensibiliser les esprits, il devint d’évidence que des tuyaux se baladant dans le tube digestif seraient susceptibles de trimballer des germes d’un malade à l’autre. Comme on ne pouvait pas mettre ces appareils fragiles en étuve, quelqu’un inventa une brosse pour le canal interne, puis un produit désinfectant spécifique qui n’abimait pas trop la gaine de l’appareil.
Mais techniquement, dans les années 90-2000, il fallait :
- Rincer l’appareil 5 minutes dans de l’eau avec du savon
- Brosser le canal interne en même temps
- Rincer 5 minutes à l’eau propre
- Faire tremper 15 minutes l’appareil dans une solution désinfectante
- Rincer de nouveau 5 minutes à l’eau propre.
Et dans ce temps, dans les établissements de santé, autant publics que privés
- Il n’y avait pas de place pour loger 4 bassines
- Il n’y avait pas de robinet proche de la salle d’examen pour mettre à chaque fois de l’eau propre
- Comme il y avait peu d’appareils, personne ne voulait les immobiliser pendant plus de 30 minutes entre chaque examen, le temps d’effectuer tout cela.
Finalement, petit à petit, c’est le législateur qui obligea à améliorer le lavage et la désinfection des endoscopes. Au point qu’à l’heure actuelle, on a probablement basculé dans le trop, mais ça c’est une autre histoire. Maintenant, il y a plus d’une heure de désinfection de chaque appareil entre chaque examen. Ce qui était manuel a été automatisé, et les endoscopes sont lavés dans une sorte de machine à laver spécifique. Il y a des contrôles bactériologiques réguliers après lavage.
Et le progrès médical, dans tout ça, direz-vous :
- Du coup, les médecins ne sont plus à jongler avec quelques bassines instables et un lavabo au bout du couloir, des conditions de lavage qui n’offraient aucune sécurité bactériologique
- Du coup, les appareils sont correctement désinfectés
- Du coup, les médecins disposent d’appareils surs pour effectuer les endoscopies
- Du coup, le patient a zéro risque de transmission d’infection
- Si c’est pas du progrès médical, ça !
Des petits progrès comme ça, ces dernières années, on en compte des dizaines, des centaines.
Et encore, je vous passe tous les épanchements lyriques du style, « de mon temps, yavait pas »… yavait pas les scanners, pas les IRM, pas tous les examens sophistiqués qu’on fait maintenant. C’est vrai, quoi, au début de mes études, rien qu’une échographie, c’était déjà comme marcher sur la lune, on avait droit à ça que dans les grands services, et il fallait 3 semaines d’attente !
Et encore, je vous passe tous les épanchements néo-romantiques, du style, « dans le temps on examinait les patients, dans le temps on se passait bien de tous ces trucs techniques, dans le temps les médecins étaient respectés, dans le temps c’était mieux avant ». Dans le temps, c’était différent, mais maintenant que de progrès !
Overblog étant devenu Overbug, ce blog est en cours de migration Vous pourrez donc lire ce même post sur mon nouveau blog: https://cris-et-chuchotements-medicaux.net/
Votre commentaire