Près d’un médecin traitant sur deux (44 %) refuse de nouveaux patients. Une enquête diligentée par l’UFC-Que Choisir confirme qu’il y a plus de problème que ce qu’on croyait.
L’UFC déplore une telle situation, à juste raison.
Cependant, suffit pas de déplorer puis d’enchainer la déploration avec SA solution personnelle, laquelle réside pour l’essentiel dans un truc simple : yaka forcer les médecins à s’installer là ou l’on a besoin d’eux.
Avant de conclure sur un malentendu, et de toujours se rabattre sur cette solution magique, la contrainte à l’installation, il vaudrait mieux prendre un petit temps de réflexion. Pourquoi la contrainte ne peut pas être la bonne solution ? Et comment on pourrait trouver un truc qui débloquerait la situation?
Regardons en face la vérité. La vérité c’est que non, la moitié des médecins de France ne se sont pas donné la main pour décider de refuser des nouveaux patients. La vérité c’est que non, la moitié des médecins de France ne sont pas des vilains docteurs qui ne veulent pas travailler suffisamment d’heures pour que tout le monde les voie immédiatement en cas de besoin .
Cessons de psalmodier les rengaines sur ces vilains médecins, faut les obliger. Concentrons nous attentivement sur les informations apportées par les résultats de cette enquête.
Elle confirme que, contrairement à certaines idées reçues, les difficultés d’accès à un médecin traitant les plus importantes ne se rencontrent pas dans les déserts médicaux mais davantage dans la France périphérique des communes moyennes. Le taux de refus avoisine 33 % dans les communes de moins de 3 000 habitants et grimpe jusqu’à 52 % pour les villes de 10 000 à 100 000 habitants.
Donc, L’enquête illustre parfaitement que l’on a besoin de médecins partout et pas seulement dans les classiques déserts! Même si on les oblige, comme demandé par les partisans de la coercition, il n’y aura pas assez de médecins pour boucher tous les trous, ceux des villes et ceux des campagnes à la fois.
Mais tant pis, affirment les durs de durs de la contrainte, forçons quand même les médecins à aller s’installer« là où sont les besoins de la population ».
Alors, regardons ce qui se passera en cas de coercition à l’installation. Si on les contraint pour le choix de leur installation, les jeunes médecins se tourneront massivement vers le salariat hospitalier, lequel manque de bras, et dispose de toutes les places libres pour dévier les jeunes praticiens loin de la pratique libérale. C’est la raison simple et claire expliquant pourquoi on ne met pas en place cette contrainte à l’installation : il n’y aurait plus d’installations !
Lâchons un temps l’obligation, puisque l’on comprend qu’elle serait impossible numériquement, et surtout délétère, éloignant encore plus de médecins du libéral.
Laissons à d’autres le soin d’imaginer d’autres formes de pression sur le corps médical. Tiens, prenons une personne au hasard, madame Buzyn, ministre de la santé. Ecoutons son argumentation, facile à entendre pour les patients en mal de recherche de médecins, facile à entendre parce que rengaine connue : « c’est pas moi, c’est lui ». Mme Buzyn dit, je cite, le 20 novembre 2019 : « Les urgences sont pleines de patients qui ne trouvent pas de médecin et vont aux urgences alors qu’ils n’ont pas une maladie qui nécessite un urgentiste formé à un infarctus. Il faut que la médecine libérale dans les cabinets permette l’accès aux soins plus facilement pour les Français et désengorgent les urgences ». Ce discours culpabilisant explique donc que si les urgences sont encombrées, c’est la faute aux médecins de ville qui ne font pas leur boulot de prise en charge. Simple, facile à entendre par les mécontents. Plus douteux pour les médecins qui ont déjà le nez dans le guidon. Revenons à l’enquête. Les causes de refus de patients : 71 % des médecins qui refusent des patients déclarent que c’est parce qu’ils ont déjà trop de patients. Les médecins généralistes libéraux de France bossent, et bossent déjà énormément. On ne peut techniquement pas obliger une personne à travailler plus. On peut l’aider à travailler mieux, mais cela ne se fera pas en un jour.
Pas grave, diront les optimistes. Puisque tous ces médecins bornés ne veulent pas travailler plus, prendre en charge les urgences en plus de leurs consultations programmées et le tout en étant à l’heure dans les rendez-vous, trouvons en des nouveaux, des médecins, prêts à venir relayer les submergés de 2019. Parce que attention, des nouveaux il va en falloir. Regardez toujours les résultats si instructifs de l’enquête UFC-Que Choisir : pour près de 1 médecin sur 7, la raison de refuser des patients est qu’il est proche du départ à la retraite. 14% des répondants. Vous imaginez, ce médecin sur 7 qui va partir prochainement, est âgé, et a déjà moins de ressources physiques et psychiques à mobiliser pour augmenter son activité à l’aube de son départ.
Qu’importe ces vieux blasés ou fatigués, impossibles à mobiliser… misons sur les jeunes médecins. Tiens ??? ou sont-ils donc, les jeunes médecins qui veulent bien s’installer ? Ils sont déjà en train de burn-outer sur Twitter ou sur les forums, si peu habitués qu’ils sont à se faire violenter par les demandeurs de soins énervés, qui ne comprennent pas qu’on leur refuse ce qu’ils demandent. Ou bien ils choisissent de rester salariés de l’hôpital et, comme dit plus haut, le choisiront massivement si on établit une contrainte à l’installation. Même si ce n’est pas la panacée, l’hôpital, c’est quand même moins stressant et moins prenant qu’un cabinet libéral.
Ne nous quittons pas sans évoquer ensemble une proposition.
Soyons fous, sortant des sentiers battus et des poncifs. Je propose une autre idée, je suis intéressée de savoir si elle recueille votre intérêt.
Mon idée: revenir sur cette obligation rigide de consulter son médecin traitant pour tout.
Pour une pathologie chronique, ou un suivi régulier, c’est bien d’avoir le même médecin – encore que, parfois un regard neuf ne fait pas de mal-.
Mais pour une pathologie ponctuelle ou aiguë ? En un temps ou les gens bougent, déménagent, souhaitent des avis rapides, on les oblige à se fixer autour d’un seul médecin dit référent pour tout. Obliger les patients à voir leur propre médecin en situation aiguë est ubuesque. Les patients sont contraints de faire pression sur leur médecin, du fait de la crainte d’un remboursement moindre s’ils consultent ailleurs. Et s’ils se rendent si facilement aux urgences, c’est tout simplement qu’ils veulent voir UN médecin, sans surcoût pour eux, quand le leur n’est pas disponible à satiété. Les patients veulent UN médecin, en situation aiguë, pas nécessairement leur médecin. Or, justement, en ville, un autre médecin est peut-être disponible pour recevoir rapidement le patient, mais la crainte d’un delta de remboursement éloigne les consultants de cette option.
Moi, je pense qu’il faut arrêter d’obliger les gens à consulter leur médecin référent pour tout. Cela passerait donc par cesser la pénalisation financière des patients qui consultent un autre médecin que le leur pour un problème aigu. Cette solution permettrait aux patients de se tourner vers un autre praticien de ville disponible en cas d’urgence et cela sans crainte de payer plus.
Je n’ai aucune prétention de donner LA solution miracle, Juste une tactique qui peut avoir un petit effet. De toutes manières, il n’y aura pas de réponse unique aux problèmes actuels de l’accès aux soins.
Un petit mot d’abord pour les vieux aigris monomaniaques comme moi, merci d’éviter le terme de médecin référent qui rappellent de mauvais souvenir à beaucoup de médecins généralistes de ma génération qui ont vu supprimer la seule vraie avancée des 25 dernières années en terme d’accès aux soins quand l’option médecin référent a disparu sous les coups conjoints de syndicats arriérés et d’un ministre de la santé.
Pour revenir à ta proposition, elle sera je pense l’avenir. Ce n’est pas souhaitable mais c’est ce qu’il va advenir.
Les médecins généralistes, en nombre insuffisant, ne peuvent répondre à toutes les demandes de soins. Actuellement les soins non programmés ambulatoires sont en partie pris en charge par les urgences hospitalières ( publiques ou privées) .
Ce fonctionnement est inadapté, il concoure (faiblement) à la surcharge des urgences.
Si on se place côté patient, les urgences permettent de répondre à une attente de soins en cas de surcharge des médecins généralistes, je passe sur les injonctions sociétales de bonne santé, performance, qui induisent une attente de réponse immédiate pas toujours indispensable.
Mais les patients ont aussi un besoin de suivi pour des maladies chroniques pour lesquelles le recours aux urgences n’est pas possible.
Du côté médecin la surcharge induit une impossibilité de répondre à toutes les demandes. Certains médecins font le choix de privilégier les demandes en rapport avec un suivi qu’ils sont les seuls à prendre en charge et reportent les demandes de soins non programmés vers les urgences.
Quand on écoute et lis ce que disent les élus, ministre, DG de CNAm… il se profile la mise en oeuvre d’une réponse aux soins non programmés par des structures de type maison médicale de garde à ouverture permanente.
La démographie médicale ne s’améliorera pas rapidement, du moins pas avant le départ en retraite des médecins sexagénaires qui composent une grande partie des médecins en activité.
Il est probable que la maison de garde 24/24 soit proposée pour répondre aux soins non programmés, le suivi se reportant sur les MG.
Mais cette réponse est purement conjoncturelle, et néglige la prise en charge globale.
Pour faire simple une rhinopharyngite chez un enfant asthmatique, un adulte sans autre maladie, une mère de famille élevant seule des enfants en bas âge, un patient traité pour un cancer, un patient avec une insuffisance cardiaque n’ont pas les même conséquences et si le traitement de la rhinopharyngite change peu, le suivi des comorbidités lui est important.
Il n’y a pas des maladies chroniques et des maladies aigues.
Il y a des malades dont l’état de santé ( intégrant le bien être psychologique et social) évolue dans le temps.
J’ai bien conscience d’être très théorique mais une réponse conjoncturelle à un problème structurel n’est jamais adaptée
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