La « Maltraitance médicale » de la médecine quotidienne.. que de titres accrocheurs pour la presse qui aime les adjectifs superlatifs, ou certains écrivains se disant connaisseurs du corps médical en général. Le sujet engrange des témoignages, des tweets, des échanges virant rapidement au vinaigre et aux attaques.
Des attaques dont la cible est toujours la même, LES médecins.
Des attaques qui démarrent souvent sur Twitter à l’expression d’un point de vue ou d’un malaise par un médecin de la toile.
Ce sujet mobilise. Certains sont maltraito-sensibles. Toute conversation sur le sujet déclenche une ire quasi électrique se manifestant par des affirmations péremptoires, incontestables, contre lesquelles se brisent les tentatives de réponse des médecins concernés. In fine, c’est souvent l’impasse, quand ce ne sont pas de bruyantes remises en cause du praticien ciblé. Style, si tu dis cela, tu écris cela, c’est que tu es mal dans ta peau, pas à ta place, tu devrais réfléchir à arrêter, tu es maltraitant. Je sais, ça m’est arrivé, un jour qu’un coup de sang avait traduit mon impatience dans un post de blog après une consultation fatigante. Il y a plein d’autres exemples d’inflammation de la Toile contre des docteurs ces dernières semaines et mois.
Les discussions autour du sujet de la Traitance des patients se soldent le plus généralement par des impasses relationnelles. Le groupe « Patients » (représentants, défenseurs) affirme que oui, les médecins ont beaucoup à faire pour cesser d’être si souvent maltraitants avec les patients. Et qu’ils n’ont aucune excuse pour ne pas être à chaque consultation la personne qu’attend chaque malade qui les consulte. Le groupe « Médecins » répond que non, ils font leur maximum pour la bientraitance, ou s’ils sont perçus comme maltraitants, ce n’est pas de leur fait, mais du fait de paramètres multiples, le surrégime de travail, les demandes exorbitantes, les demandes surréalistes, les incivilités, la pression administrative etc..
C’est un sujet grave, cette histoire relationnelle entre les médecins et leurs patients. Et essentiel.
Et en plus, les médecins s’attaquent entre eux. Le livre à titre sensationnel d’un ex-docteur qui n’exerce plus depuis longtemps, et dont j’ai moi aussi adoré les premiers écrits, je ne le lirai pas. Je ne lui répondrai pas non plus, je l’ai déjà fait dans un post, et déjà à l’occasion d’un écrit de Mr Le grand Professeur W qui depuis m’a bloquée sur twitter parce qu’il n’aime pas les contradicteurs, c’est ici https://cris-et-chuchotements-medicaux.net/2014/03/02/article-j-ai-ete-reste-et-resterai-un-medecin-mal-adroit-mais-bien-tra/
Mais comme c’est un sujet grave et essentiel, en fait, ce que je me dis, c’est que faudrait peut-être commencer par se mettre d’accord sur quoi on cause. Pour qu’on nous traite pas comme ça, tous, de brutes, sur 150 pages ou au fil de live-tweets bouleversants.
Alors déjà, et si on se mettait d’accord sur quelques points
- Dans quelle mesure, dans quelles proportions, le sentiment de maltraitance relève t’il d’un ressenti individuel. Car, ainsi que le dit une patiente sur Twitter: on peut être maltraitant sans le vouloir ». Ce qui implique qu’on ne voit pas bien comment on pourrait s’améliorer dans ce cas
- Exemple qui m’a interpellée: il y a quelques mois, une patiente m’a reproché de … sourire pendant qu’elle me parlait…
- Ou commence et ou finit la maltraitance médicale ?
- Déjà demandons-nous en cette affaire pourquoi les médecins sont considérés en tant que profession collectivement critiquable pour sa maltraitance ? Ce qui indiquerait que peu ou prou, chaque patient se sent concerné par une maltraitance médicale, et donc que tout médecin est potentiellement ressenti comme maltraitant par certains. Il y a là une évidence : si on nous considère comme étant maltraitants dès lors que nous ne répondons pas à l’attente individuelle de chaque personne qui nous consulte, alors oui, bien sûr, nous le sommes tous plusieurs fois par jour.
- Quelle est la définition de la maltraitance ????
- Selon Wikipédia, c’est large: La maltraitance est un mauvais traitement (occasionnel, durable ou répété) infligé à une personne (ou un groupe) que l’on traite avec violence, mépris, ou indignité. La maltraitance implique un rapport de pouvoir ou domination entre l’auteur et la victime, qui est ainsi souvent dépendante et sans défense. Lié à l’abus de pouvoir, la maltraitance a fréquemment des conséquences durables sur la santé non seulement physiologique mais aussi psychique des victimes, dues au traumatisme moral.
- Bon on peut donc dire qu’on est souvent maltraité dans la vie de tous les jours. Suffit d’appeler un service client, d’entrer dans un magasin ou le vendeur est mal disposé, d’avoir un papier administratif qui manque….
- Pourquoi les patients généralisent t’ils la notion de maltraitance médicale ? Dès lors qu’une personne mécontente de SA consultation émet publiquement SA critique envers le comportement d’UN médecin, un tweet plus loin, d’autres parlent alors de TOUS les médecins, trois échanges plus tard des superdéfenseurs en vigilance orange repèrent que oui, encore une fois, du mécontentement se manifeste. Ils foncent alors tête baissée pour venir enfoncer le clou, oui TOUS les médecins devraient cesser d’être maltraitants, oui TOUS les patients sont maltraités, pour une raison ou une autre.
- A quel moment définit-on qu’un médecin a un manque d’écoute, a eu des paroles blessantes, pas donné assez d’explications. Les mêmes paroles n’entraînant jamais des réactions similaires, tout le monde le sait. Ce qui est détesté par certains peut-être apprécié par d’autres. Un truc que certains honnissent mais que d’autres apprécient, juste un exemple, le paternalisme (maternalisme aussi ?)
- A quel moment considère-t-on que des gestes faisant classiquement et implicitement partie d’une consultation sont des gestes maltraitants, tels l’examen au spéculum d’un gynéco (#payetonutérus) ou l’anuscopie d’un gastroentérologue ?. (http://www.lindependant.fr/2016/09/01/la-patiente-avait-porte-plainte-contre-le-gastro-enterologue,2250927.php).
- Que veut dire Bientraitance ? La bientraitance médicale serait elle le bien que peut faire le médecin juste par sa personne, sa personnalité, son maintien, son comportement?. La maltraitance étant l’inverse de cela ? Ou placer alors la bien-traitance, c’est-à-dire l’application de toutes les données de la médecine, des connaissances à jour, les bons examens, les médicaments adaptés.
- Qu’est-ce qu’un bon médecin ?
- Celui qui est attentionné, attentif, et qui prend son temps (un médecin bientraitant) ? Celui qui a le plus de connaissances médicales et sait les appliquer pour le diagnostic et le traitement (un médecin bien-traitant)?
- Bien sur, c’est celui qui a tout. Mais demander à un médecin d’avoir tout cela, tout le temps, sans faiblir, n’est-ce pas considérer que le seul fait d’exercer ce métier en fait un sur-humain, puisque dans la vraie vie il est clair que nul ne peut avoir tant de qualités simultanées en permanence et sans faiblir un seul instant face à toutes sortes d’interlocuteurs différents. Nul humain, fut-il médecin, n’est parfait ni vertueux tout le temps.
- Il ne faut pas négliger que la personnalité d’un médecin n’est pas parallèle à ses connaissances médicales. Etre charismatique ne signifie pas forcément qu’on a les bonnes connaissances médicales. Etre plus effacé, voire plus incisif ne veut pas dire que l’on est un mauvais médecin.
- Quels changements suggèrent ceux qui affirment qu’il faudrait réformer la façon dont les médecins exercent la médecine ? Il faudrait changer le côté relationnel ?. Que le médecin soit capable d’appliquer en même temps ses connaissances médicales ET l’adaptabilité relationnelle à toutes les personnalités qui le consultent. Attention, les médecins ne sont pas des sur-cerveaux, ils n’en ont qu’un et souvent un surstimulé et fatigué. Si tu demandes à un magasinier le mode d’emploi de la pièce alors qu’il est en train de la chercher dans les rayons, la réponse ne sera pas forcément appropriée, et le ton pas forcément chaleureux. La réflexion médicale demande aussi de la concentration pour puiser dans ses connaissances la bonne information au bon moment. Et un médecin peut avoir besoin de se taire pour ce faire.
- Le temps de consultation permet-il à un médecin de faire preuve à chaque fois de ces 2 qualités, la mise en œuvre de la meilleure médecine, et de la meilleure communication relationnelle ? et si par le fait des circonstances, un des paramètres devait être dominant lors d’une consultation, lequel choisiriez-vous ?
- De quelle mission est finalement chargé le corps médical ? Soigner avec toutes les données de la science, ET en même temps se comporter comme une sorte d’ange gardien ? Est-ce faisable au quotidien et compte tenu des obligations cachées et supplémentaires de l’entreprise médicale ?.
- Aller voir un médecin, est-ce obligatoirement une situation de faiblesse ?
- La relation médecin/patient est-elle forcément une relation hiérarchique unilatérale ?
- Quelle est la part du bien-être du médecin sur la qualité de ses consultations ? d’où découlerait possiblement l’idée que mettre son médecin à l’aise serait un facteur de meilleure qualité médicale ? Indiquant alors que la relation hiérarchique entre le médecin et le patient est bien bilatérale
- Qu’est-ce que le temps médical ? est-ce le temps nécessaire, le temps suffisant (suffisant pour qui ?), le temps désiré ?
- Que veut dire « expliquer » ?
- Que veut dire « écouter ».
- Finalement qu’est ce qui fait progresser la qualité et l’espérance de vie, qu’est ce qui guérit les maladies mieux qu’avant : La médecine bien-traitante ? Ou les médecins bientraitants?
Dernière question : Est-ce que la plupart du temps, les médecins ne seraient pas vraiment maltraitants mais plutôt pour la majorité seulement MALADROITS ?
Merci pour ces informations ! Article très intéressant
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Bonjour; Excusez moi de vous flatter, cette analyse est vraiment merveilleuse d’intelligence et de réflexions et de bon sens et de références.
Je suis ce qu’on devient après senior, lors de l’Alzheimer de maman j’ai eu l’occasion de rencontrer Yves Gineste et « La Bientraitance » et un immense cerveau, Michel C.
J’ai correspondu pendant 10 ans sur « gerialistes », le seul non médecin parmi 200 blouses blanches.
Votre analyse me rappelle leur courtoisie, leur attention, leur capacité à ne pas s’échauffer lorsque la souffrance portait à des phrases maladroites.
Peut-être dans ma sénilité, puis-je faire la remarque que la tension perceptible aujourd’hui provient de ce que l’Organisation de la médecine telle que nous l’avons connue est mourante, en France, en Angleterre, en Suède.
L’enfantement d’un monde nouveau est très douloureux.
Avec mes excuses
Nils Stalbrand
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I have been trying for some time to contact Nils Stalbrand, and will be pleased if he receives my email address.
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