Moi médecin, je vaux bien un fromage sans doute …

Moi médecin*, je vais faire la grève en ce prochain mois de décembre. Le 1er décembre, beaucoup de cabinets seront fermés.

Je voudrais déja vous en parler

Pour que vous ne reteniez pas contre moi, contre nous nous tous, les médecins, la seule revendication sur laquelle vous pourrez me critiquer en disant que je ne pense qu’à l’argent : je demande que le prix d’une consultation soit revalorisé à 50 euros.

Laissez moi vous expliquer pourquoi je demande en priorité une revalorisation. Et vous expliquer que bien rémunérer un médecin généraliste relève d’une absolue nécessité pour la survie des soins primaires en ville et est importante parce que la survie de l’hôpital est intrinsèquement liée à la survie des soins primaires. Et donc est importante pour vous, patients.

Si la consultation était valorisée était valorisée à 50€, je pourrais :

  • Moi, jeune médecin, je pourrais plus facilement décider de m’installer .. parce que, savez-vous que bon nombre de remplaçants hésitent à s’installer avec un tarif si bas, ils gagnent mieux leur vie en tant que remplaçants, car ils ont moins de charges que le médecin libéral qu’ils remplacent. Une rémunération correcte permettrait que des jeunes médecins ne cèdent pas aux sirènes du salariat, et s’installent en libéral.
  • Moi, médecin débordé, je pourrais mieux Faire une vraie médecine de proximité. Cette médecine humaine, consacrant plus de temps à ceux qui en ont vraiment besoin permet d’économiser beaucoup de consultations multiples et de soins coûteux. Ainsi, je pourrai mieux prendre en charge les consultations complexes
  • Moi médecin seul dans mon cabinet, cela me permettrait d’Avoir assez de budget pour embaucher et financer le salaire d’une secrétaire, ce qui me ferait gagner 1h à 1h30 par jour, et d’un assistant médical, qui me ferait aussi gagner un temps précieux et donc je pourrais effectuer plus de consultations.
  • Moi médecin voulant déléguer, je pourrais Mettre en place avec des infirmières de pratique avancées une délégation de tâche correctement réfléchie et pas seulement un délestage bâclé de n’importe quoi juste pour que je voie plus de rhumes et de grippes dans la journée. La délégation de tâches, c’est bien sur le médecin qui doit en être à l’initiative, en s’assurant que  chaque professionnel en délégation soit responsable de ses actes. Ce n’est pas juste un transfert pur et simple non-encadré, ce serait dangereux pour vous  ..
  • Moi médecin toujours passionné, je pourrai M’investir dans la formation des plus jeunes, car j’ai à cœur de pouvoir communiquer mon expérience de la médecine sur des pathologies quotidiennes qu’on n’a jamais apprises à l’hôpital
  • Moi, médecin prêt à aider, et dans la mesure de mes moyens, je pourrais Aller en désert médical faire des vacations. Parce qu’en l’état, quoi que l’on fasse, il y aura toujours des déserts médicaux dans les années à venir, et que déshabiller Pierre en zone déjà peu dotée pour mettre un médecin chez Paul dans le désert changera seulement l’emplacement du désert. La démographie médicale est une catastrophe (annoncée), mais nous n’en sommes pas responsables.
  • Moi médecin noyé dans la paperasserie, je pourrais Faire ma part d’administratif médical essentielle pour vous, c’est à dire avoir plus de temps pour remplir et tenir à jour le dossier médical commun. Ceci à condition que l’on me simplifie la vie administrative, que la CPAM joue plus son rôle d’accompagnement, que je ne sois pas sermonné par des employés ou médecins incompétents dans mon  domaine de soins qui surveillent mes pratiques et m’obligent à des taches chronophages avec l’idée constante que je fraude.
  • Moi médecin stressé par l’encadrement, je pourrais Me libérer de la pression des rémunérations complémentaires sur objectif que les tutelles ont instauré pour encadrer encore plus ma pratique et qui sont actuellement le seul moyen de valoriser un peu plus mon pauvre acte à 25 euros.
  • Moi médecin qui veut gagner plus, je m’engagerais alors à ne Ne pas convertir une partie ou toute mon activité en une médecine plus rentable comme de l’esthétique, ou de la médecine parallèle, hypnose, homéopathie, acuponcture, etc.

Si vous pensez encore que j’exagère de demander une augmentation en ces temps de crise, je vais insister. Parce que l’attractivité du métier, au moins sur le plan financier, fait partie des seules issues   

  • Déjà, il faut savoir que les médecins libéraux français ont la consultation la moins bien rémunérée des pays de l’OCDE.  Et notre faible rémunération actuelle nous pousse à fixer nos limites en matière de condition de travail. Nous sommes des pseudo-nantis. C’est parce que nous travaillons beaucoup plus que la moyenne des gens que nous gagnons plus.
  • Une rémunération correcte est le seul moyen de garder les médecins en médecine libérale, de favoriser l’installation et de soulager les retraités qui continuent. Et ce ne sera pas l’occasion de travailler encore moins, mais de travailler beaucoup mieux en ayant les moyens de s’entourer de personnes pour aider.

Ne  soyez pas indifférents aux revendications des médecins. Cessez de donner votre carte vitale en vous rassurant sur le fait que vous n’êtes au courant de rien de ce qui se passe derrière. Ne laissez pas vos médecins crever de stress et quitter le navire de la médecine libérale, en vous lamentant seulement « Je n’ai plus de médecin, je fais comment, moi! »  Vous n’êtes pas seulement des ayant-droits qui prépayent un accès illimité aux soins à travers vos charges sociales. Ce merveilleux système de soins qui était le notre ne perdurera pas, parce que les médecins ne sont pas assez nombreux pour être les sauveurs de l’humanité, refusent d’être taillables et corvéables à merci, et ne sont de toutes manière pas assez nombreux pour accéder à toutes les demandes

Au moment ou vous penserez que les médecins exagèrent de demander une augmentation de leurs honoraires, souvenez-vous qu’ils ont une compétence irremplaçable, ils savent écouter, poser un diagnostic et mettre en place une prise en charge adaptée : cette compétence vaut bien cinquante euros sans doute

NDLR: moi médecin est une formule de style rédactionnel, car je suis retraitée. J’ai cependant à cœur de comprendre et défendre mes confrères et de me faire l’écho de leurs revendications

7 commentaires sur “Moi médecin, je vaux bien un fromage sans doute …

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  1. Bonjour, j’ai toujours pensé que les médecins généralistes n’étaient pas assez rémunérés. Je comprends donc votre décision. Souhaitons que vous soyez entendus.

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  2. Oui à une revalorisation ! c’est évident qu’un garagiste spécialisé est mieux rémunéré à l’heure……..( pb !!) Communiquez-bien sur le fait qu’augmenter vous fera toujours prendre des patients qui ne peuvent avancer le montant de la consult. 25 ou 50 € certains dans les mois difficiles repoussent ou renoncent à voir le médecin et vont aux urgences. Le problème de la France est le déclin malheureusement. Le choix et les priorités c’est aussi dans l’éducation. L’ iphone est peut être là mais le chien ou le chat ne sont pas soignés et l’auto étant un gouffre toutes les dépenses deviennent intenables. Un médecin fait de longues études, le monde médical est peu rémunéré dans son ensemble. La piqure à domicile ou la visite, augmentation de 0,04 cts d’€ …une honte !! Une infirmière en hp à 1750€/mois pour les soins ou fermer une housse mortuaire eh bien les politiques ne font jamais ce job !! Les gens écoutent des médias mais la réalité est à coté d’eux, nous devons prendre soin de conserver un maillage territorial et aussi en rémunérant ces acteurs. Les tableaux excel, la gestion comme un hôtel font depuis des années des ravages et les services  » de proximité » s’éloignent. Se soigner devient un parcours laissé aux marchands du temple doctolib…..Papys débrouillez-vous, surtout à 60 km et sans pouvoir bouger. Ah oui il y a la mobilité douce en vélo élec j’oubliais ()! Il y a beaucoup de suicides chez les agriculteurs et les soignants. Gens corvéables à merci sans reconnaissance ! Ce n’est pas en tapant sur les casseroles que nous aideront nos pro de santé mais en étant conscients et pragmatiques. Une grande nation c’est aussi une vision pérenne !

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  3. Très intéressant, vraiment, je souscris à cette médecine plus proche et partageuse. Mais…50 euros, pour moi c’est énorme. Entre ce qui est déremboursé, ou certains dépassement d’honoraires, ainsi que certains appareillages hors de prix, ça commence à être difficile, si ce n’est impossible. Ne parlons pas des mutuelles! Il faudrait vraiment réfléchir à un autre système où tout le monde y trouverait son compte. Mais c’est peut-être justement, un conte…

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  4. Franchement il faut beaucoup de (mauvaise) foi pour croire qu’en étant payé plus pour chaque acte, les médecins verront plus de monde et s’organiserons en exercice coordonné pluriprofessionnel ! Le réflexe naturelle sera de lever le pied, en se concentrant davantage encore sur les pathologies ou techniques les plus intéressantes au détriment des personnes les plus fragiles.
    En plus, venant d’un médecin retraité, c’est assez savoureux d’apprendre pourquoi les jeunes ne s’installent pas…
    Bref, oui à une majoration de la rémunération mais par le biais d’une plans grande diversification : forfaits, capitation, etc.

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    1. En effet l’expérience a montré que la meilleure méthode pour faire travailler plus les médecins est de les sous-payer ! sur ce point vous avez raison. Mais rien n’interdit que le corps médical s’engage dans des actions d’amélioration en échange d’honoraires augmentés. Il est grand temps d’un réveil collectif de la profession en ce sens, par volonté et non pas par coercition

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      1. Je crois que vous décrivez précisément la Rémunération sur objectifs de santé publique : en échange d’un engagement accru sur certains déterminants de santé, le médecin reçoit une rémunération proche d’un 13e mois (4000-4500€).
        Les forfaits fonctionnent un peu de la même manière.
        On en vient donc bien à la nécessaire diversification des rémunérations !

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      2. Le problème des forfaits est multiple
        – l’absence de visibilité du revenu: C’est à tel point que les médecins n’intègrent pas cela consciemment dans leurs revenus, alors que pourtant cela les augmente significativement en tout cas pour les généralistes.
        – la volatilité : Car d’une année sur l’autre la variation n’est pas prévisible. Ce qui est quand même difficile quand on a une entreprise à gérer.
        – L’absence de clarté des critères générant ces revenus supplémentaires, qui explique en grande partie le non investissement des médecins dans les dits critères.

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