Tiers-payant généralisé: l’ennemi, c’est la finance !

Le tiers payant généralisé (TPG) ne vise pas seulement à éviter aux patients de faire l’avance de frais chez les médecins,  ni à gâcher la vie déjà bien remplie de médecins suroccupés.

Le tiers-payant est un truc politique, dogmatique, une pilule indigeste pour les médecins mais toute douce pour les patients, qui permet de faire passer des pilules bien plus amères, celles des mutuelles désormais dénommées « responsables », pour obscurcir l’évidence qu’elles rembourseront leurs clients beaucoup moins qu’avant .

Il est parfaitement inexact d’affirmer péremptoirement aux patients qu’ils ne débourseront plus rien chez le médecin. Le Tiers payant est une façade. Il serait bon de comprendre comment cela va se passer chez les médecins maintenant que c’est voté.

Commençons par mettre au point les 3 secteurs possibles d’exercice des médecins: Les secteurs 1 et 2 et le CAS

  • Secteur 1 : tarif conventionnel : Les seules consultations ou les patients n’auront rien à payer, c’est  chez les médecins de secteur 1, à tarif conventionnel. Ce sont en majorité des généralistes, puisque depuis 2000, ils ne peuvent s’installer qu’en secteur 1 (parce qu’ils n’ont pas l’autorisation de faire autrement).
  • Secteur 2 : les praticiens de secteur 2 représentent environ un médecin sur 4 (y compris des généralistes installés avant 2000, date de blocage du secteur 2). Par contre, de très nombreux spécialistes sont en secteur 2, et leur nombre ne fait qu’augmenter. En 2010, plus de 4 sur 10 sont en secteur 2, la majorité des chirurgiens libéraux (près de 90%), plus de la moitié des gynéco, ORL et ophtalmos.  En 2015,  une large partie des nouvelles installations des spécialistes se fait en secteur 2 (parce que les praticiens considèrent les actes techniques si mal tarifés qu’ils sont obligés de faire des dépassements d’honoraires)
  • Le CAS : le secteur CAS (contrat d’accès aux soins) peut être intégré par
    • Des spécialistes du secteur 2 : En signant ce contrat, les médecins de secteur 2 s’engagent à ne pas augmenter leurs dépassements d’honoraires…. Pas à les baisser. Comme la majorité des médecins de secteur 2, contrairement à ce que l’on veut faire croire, pratiquent des dépassements d’honoraires raisonnables, adaptés à leurs patients, le CAS ne change pas grand-chose pour leur pratique tarifaire.
    • Des spécialistes de secteur 1. Le CAS est une aubaine pour des spécialistes qui étaient bloqués en secteur 1 depuis les années 2000 (ils ne pouvaient plus changer de secteur, le secteur 2 étant réservé aux nouveaux installés). Ces médecins ont pu intégrer le CAS, et de ce fait se trouvent légalement autorisés à pratiquer des dépassements d’honoraires.

En conséquence, on notera avec intérêt qu’au moment où les dépassements d’honoraires sont critiqués, les lois permettent l’accès aux dépassements à un plus grand nombre de spécialistes. 

Il est fondamental de se souvenir d’un truc très important : les dépassements d’honoraires médicaux sont et demeurent parfaitement légaux. Instaurés en 1980 par une convention médecins-caisses. Ce n’est pas juste un cadeau au corps médical. En échange d’une liberté tarifaire, les médecins de secteur 2 renoncent à de nombreux avantages en terme de cotisations sociales. Et il n’est nulle part question dans la nouvelle loi de santé d’empêcher les praticiens de continuer à s’installer en secteur 2. 

Et même, comme on vient de le voir ci-dessus, l’instauration du CAS a permis à un nombre supplémentaire de praticiens spécialistes de pouvoir prendre en toute légalité des dépassements d’honoraires..

Fait avéré, Le tiers payant généralisé ne changera pas le secteur 2, ni le CAS. N’empêchera aucunement les dépassements d’honoraires.

Si vous voulez comprendre que le tiers payant est un leurre, et que les mutuelles vont faire leur beurre, faisons une promenade en 2017

Le tiers payant généralisé est arrivé, et vous croyez que vous n’aurez plus rien à régler chez tous les médecins…

Ci-dessous quelques simulations, basées sur une consultation de 45 euros chez le spécialiste (qui est un prix moyen, certains sont bien au dessus)

 

image numéro 1

image numéro 2

De ces observations bassement matérialistes, on peut faire quelques observations

1- Le tiers payant n’est pas la solution aux dépassements d’honoraires, puisqu’ils restent parfaitement légaux, ni aux restes à charge, qui, contrairement à ce que pensent les patients, vont augmenter avec les nouveaux contrats de mutuelle dits responsables, celles de l’employeur.

2- En ce nouveau temps de tiers payant, qui sera décu ?

Outre les médecins et le travail supplémentaire imposé pour récupérer les honoraires auprès des 800 mutuelles, les vrais dindons de la farce seront… Les patients, bien sur !

Ils vont perdre rapidement leur optimisme quand à la soi-disant gratuité des soins.

Et puis cela risque de parasiter sérieusement le dialogue médecin patient, de générer un certain nombre de situations conflictuelles entre des patients convaincus de ne plus rien avoir à payer et des médecins dans leur bon droit quand ils prennent des dépassements d’honoraires, toujours aussi parfaitement autorisés et légaux

D’autre part, ce temps éventuel de négociation financière qui s’infiltrera dans le dialogue médecin-malade, c’est encore une source de temps perdu pour le soin…

3- En ces nouveaux temps de tiers payant, qui sera content ?

Puisqu’on ne changera jamais le principe suivant : pour ne pas avoir de reste à charge du tout, il est nécessaire d’avoir une bonne mutuelle, ceux qui se frottent les mains, ce sont donc bien les mutuelles 

Car elles savent que les employeurs, à moins d’une grande générosité, doteront leurs salariés de contrats de base ou un peu au dessus. Et que les fameux contrats dits « responsables » sont autorisés à limiter un peu plus chaque année le pourcentage de remboursement des dépassements. 

Alors, les contentes mutuelles ont déja, dans le dos de tous, ajouté un étage à leur fusée: LA SURCOMPLEMENTAIRE 

Surcomplémentaire : un mot qui vient d’apparaitre par magie et dans l’indifférence générale dans le paysage publicitaire des français qui ne se méfient de rien dès lors qu’on leur fait des promesses de gratuité.

On  en trouve facilement la définition en googleisant le mot.  En voila l’exacte définition, copiée directement sur le site Malakoff-Médéric, dont la page s’appelle (c’est prémonitoire) : « boutique malakoff-méderic »,.


Qu’est-ce que la surcomplémentaire santé ? (définition sur la boutique Malakoff-Médéric)

La couverture des frais de santé est une préoccupation majeure pour chaque assuré social. Dans ce cadre, les partenaires sociaux ont passé, au début de l’année 2013, un accord prévoyant l’obligation pour les entreprises de couvrir tous leurs salariés en santé. 

Réelle avancée en termes de santé publique et d’accès aux soins, cette couverture obligatoire peut parfois offrir des garanties moins protectrices.

Une couverture complémentaire peut aussi s’avérer insuffisante pour couvrir les postes essentiels ou les frais de santé imprévus.

La surcomplémentaire a pour vocation de «compléter la Complémentaire santé» en assurant une protection renforcée et étendue.


 

Le Tiers payant généralisé fera donc bien le bonheur des mutuelles. Grâce à la baisse des prestations prises en charge du fait de la mutuelle obligatoire fournie par l’employeur, grâce à la magie du tiers-payant qui va rendre particulièrement visibles les restes à charge, les patients seront conduits à se sur-assurer.  C’est donc tout bénéfice pour les vendeurs d’assurance.

A quel prix pourra t’on se surassurer ? Si l’on se pose la question du tarif des complémentaires et des surcomplémentaires, on s’aperçoit d’un autre tour de passe-passe malin des mutuelles. Dans le contexte de la mutuelle employeur obligatoire, les assurances ont été contraintes de parler toutes le même langage pour ce qui concerne les  prestations de base et les taux de remboursements.  En revanche, leur jargon habituel peut se maintenir pour ce qui concerne les surcomplémentaires. Les pages regorgent de promesses, mais pas de vrais tarifs, et pas de possibilité de comparer. Les prix sont non ou mal indiqués sur les sites. En tous cas, pas de tarif mensuel de surcomplémentaire à moins de 10-15 euros, et déjà des prix effrayants sur quelques sites, dont la prestation surcomplémentaire de base est de plus de 40 euros mensuels (http://www.vente-en-ligne.ag2rlamondiale.fr/complementaire-sante/devis-individuel-choix-de-la-formule?champs.numDC=816126 )

Il y a même un beau triangle qui explique parfaitement comment les patients vont devoir payer plus pour être assurés aussi bien qu’avant le tiers payant..

Si cet écrit pouvait en convaincre au moins un, parmi ceux qui imaginent encore ne plus payer un jour proche leurs frais de santé.. que leur vrai ennemi, ce ne sont pas les dépassements du corps médical, mais la finance des mutuelles… qui a construit cet implacable enchaînement.  

 

ag2r-la-mondiale-surcomplementaire-sante-graphique-1-avril-2015-v1

 

 

 

 

10 commentaires sur “Tiers-payant généralisé: l’ennemi, c’est la finance !

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  1. encore une usine a gaz de plus , alors qu’il suffirait de refonder tput le systeme de santé de A a Z pour arreter les abus et qui vous dit qu’une jour les dépassements d’honoraires ne seront pas interdit , si les mededins travaillent trop qu’ils milite t pour qu’il y ait plus de médecin, quand paye l isf c’est que ça va pas si mal non ! alors au lieu de faire 80 heures pas semaine augmenter le nombre de medecins et vous ferez 40 comme tout le monde non mais franchement … le systeme de gestion des patients est mauvais , il n’y a pas de questionaire sur la vie des patients on soigne sur le moment mais le patient retourne dans sa retourne dans sa routine, les medecins generalistes devraient beaucoup plus regarder l’etat des dents de leurs patients , il n’y a aucun suivi de soin entre specialiste reelement corecte pour le patient … il faut des factures pour les patients notame ts pour les soins dentaires car je suis sur que certains se font un plaisir de rajouter des soins au frais de la secu … alors arreter de regarder votre nombril et changeons ce systeme injuste car je crois pas que la droite aurait fait mieux mais pire alors c’est quoi votre solution a part critiquer serieux , les medecins fonctionnaires lol

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    1. Votre manière de désapprouver le système est donc d’aboutir à ce que tous les médecins soient des fonctionnaires.
      Augmenter le nombre de médecins n’est pas du tout l’optique du gouvernement, au contraire.
      Beaucoup de vos revendications concernant le suivi des patients sont intéressantes. Mais si cela dysfonctionne déjà avec des libéraux qui travaillent beaucoup, cela risque d’être encore moins bien quand les médecins fonctionnarisés n’assureront plus autant d’heure de travail et ne seront plus à la disposition de toutes les demandes, voire exigences des patients.
      C’est une bien curieuse habitude de discréditer les médecins au motif qu’ils gagnent bien leur vie. Une chose est sure, c’est que pour beaucoup moins de revenus, ils feront… beaucoup moins de boulot !

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  2. Excellent résumé de la situation. Au delà de la perspective angoissante d’un bouleversement du paysage de la Santé, allons jusqu’au bout de la réflexion, et demandons-nous si ce n’est pas le début d’une réforme du système, où la Sécu n’est plus en mesure d’assumer son rôle, par le glissement des responsabilités vers le secteur libéral des assureurs réputés(?) plus efficients ? Ne faudrait-il pas s’émouvoir surtout du pouvoir des ces nouveaux acteurs à but lucratif et de leur possible ingérence dans la prise en charge médicale, plutôt que de l’argent qu’il vont gagner en parasitant l’acte de soin, là où cet argent serait de toute façon dilapidé par le système actuel ?

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    1. A voir ce qui se passe entre les mutuelles, les dirigeants, certaines associations et même les labo pharma, je pense que certains vont gagner beaucoup d’argent sur le dos de ceux qui bossent, ce qui, vous me direz, est digne d’un modèle capitaliste qui avait pour le moment épargné relativement la santé.
      Et quand je pense qu’on déclare les collations à 15 euros offertes par les labo aux médecins dans les réunions médicales ..

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      1. Bien sur, je partage votre réflexion. Je me demande aussi quelle justification déontologique pousse le législateur à interdire la distribution gratuite de post-it° par les labos (arme de corruption imparable), et à favoriser les génériques en augmentant les marges des pharmaciens (ce qui ressemble aussi un peu à la corruption, cette fois légale)…
        Mais au delà des boutades, je crains que toutes ces mesures ne soient que des frétillantes tentatives de s’opposer à la faillite du système. Le transfert des responsabilités vers le privé serait un désengagement, imposé non pas par l’idéologie, mais par l’incapacité avouée à assumer la gestion de l’assurance sociale (selon des critères de rentabilité, dont la justification mériterait également un débat).
        J’attends maintenant les oukases définissant notre subordination aux assureurs privés, sur le modèle de la Sécurité Sociale, jusqu’ici imposée par les impératifs de la santé publique (maladies à déclaration obligatoire, par exemple…)

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    2. Mais le glissement de la secu vers le privée est déjà fait . A ce jour, les assurances maladies complémentaires ont l’obligation d’un panier de soin

      Le décret de septembre 2015 prévoit dans la couverture obligatoire :

      100 % de la base de remboursement des consultations, actes techniques, l’ensemble des prestations remboursables par l’assurance maladie;
      forfait journalier hospitalier pris en charge en intégralité
      125 % de la base de remboursement des soins pour les prothèses dentaires et l’orthodontie
      forfait optique de (100 à 200 € selon la correction) tous les 2 ans sauf en cas de changement de défaut visuel (évolution de la correction) et pour les enfants.

      Les complémentaires ne sont plus des complémentaires mais de véritables CO-ASSURANCE . Nous avons donc un système hybride d’assurance privé lié au travail ( attention le prix de ces co assurances à la retraite ou au chomage) et d’assurance publique . Ceci entraine une double gestion des dossiers administratifs ( doublon) , gestion qui coute 4,5 milliards d’euros à la secu et 3 milliards aux complémentaires et ce pour le même travail ( dans un contexte on a plus de sous mais en fait non…). C’est du grand n importe quoi à la française

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      1. Je partage à 100% cet avis.
        Cela fait des mois, des années qu’on le dit, qu’on essaye de l’expliquer à des gouvernements sourds qui ne veulent rien écouter et encore moins recevoir ces observations pertinentes et justifiées.
        Nous connaissons bien mieux les tenants et aboutissants des aberrations voulues par les politiques. Parce que eux s’en vont, mais nous on reste et on additionne une par une les inepties qu’ils nous contraignent à faire !

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  3. Bonne analyse que je partage de mon point de vue de petit infirmier libéral. Il manque néanmoins un point essentiel qui n’est pas connu du grand public, c’est l’imposition de cette complémentaire. La part prise en charge par l’employeur sera automatiquement ajouté au revenu déclaré! double peine donc pour les salariés qui n’ont pas pris toute la pleine mesure de cette « avancée » sociale… sans commentaires

    http://mutuelle.dispofi.fr/mutuelle-entreprise/questions-mutuelle : « Un collègue affirme que la part de ma cotisation payée par l’employeur est imposable. Est-ce vrai ?

    Oui. Il s’agit d’un avantage imposable. Votre employeur ajoutera ce montant à vos salaires de 2015, qu’il déclarera au fisc en février 2016. Cet avantage sera donc inclus dans le salaire inscrit sur votre prochaine déclaration de revenus préremplie. »

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    1. Merci pour votre remarque plus que pertinente sur l’impostion en supplément du salaire du soi-disant cadeau de l’employeur prenant en charge la mutuelle des salariés. De quelle manière récupérer discrètement les largesses que l’on a fait semblant de donner aux crédules.
      C’est après publication de mon texte que j’ai réalisé avoir oublié ce point, alors un grand merci de le souligner !

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  4. Le conseil constitutionnel dans sa grande sagesse ( c’est ironique ) a supprimé hier les disposition obligatoire pour le tier-payant dans le cadre des mutuelles . Je cite le conseil  » qu’en se bornant à édicter une obligation relative aux modalités de paiement de la part des dépenses prise en charge par les organismes d’assurance maladie complémentaire sans assortir cette obligation des garanties assurant la protection des droits et obligations respectifs du professionnel de santé et de l’organisme d’assurance maladie complémentaire, le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence ; que, dès lors, les mots « et sur celle couverte par leur organisme d’assurance maladie complémentaire » et les mots « ainsi que les organismes d’assurance maladie complémentaire, pour le bénéfice de l’article L. 871-1 du code de la sécurité sociale, » figurant au 4° du paragraphe I de l’article 83, sont contraires à la Constitution ». Il est dommage que le conseil n’est pas précisé que de créer une inégalité de traitement entre deux opérateurs privées ( en l’espèce le médecin aurait fait le boulot de la mutuelle) est inconstitutionnel. Enfin bref , il est important à souligner que le médecin doit avoir des droits qui se doivent d’être respectés , l’assurance maladie obligatoire ne pourra pas donc être mauvais payeur , il faut que lors des négociations de la convention, les syndicats prévoient des clauses de sanction si retard de paiement ou si cela entraine un surcoût pour les médecins (comme dans tout contrat) .

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