Nouveau CASSE des mutuelles…

Ils disaient qu’ils allaient améliorer la prise en charge des frais de santé. Et personne ne s’est méfié de cette bizarrerie : ils ont appelé ça le CASSE ! Et personne ne s’est méfié ! les patients se sont fait bien avoir, et avec leur accord pour tout, en plus !

Dans tout changement, il y a les parties émergées, visibles, que les promoteurs du changement s’évertuent à mettre en valeur. Et puis les petites lignes en italique, que personne ne lit. Même les patients, même leurs associations, qui se sont laissées aveugler par les sirènes des dépassements d’honoraires des consultations, du tiers payant généralisé et de la complémentaire pour tous.

Résultat, les patients vont payer des tonnes d’euros par mois pendant des mois, pour obtenir éventuellement une consultation remboursée 5 euros de plus….Il en rentrera un tout petit peu plus dans une poche, mais l’autre poche va fuir s’ils ont besoin d’intervention chirurgicale ou d’acte technique. C’est maintenant que certains patients commencent à s’en rendre compte…à leurs dépends. Cela s’appelle le CAS… mais c’est plutôt un CASSE des mutuelles et de la sécu main dans la main. A l’insu des patients et contre, totalement contre la volonté des médecins…

Les sirènes auxquelles les patients ont cru

Ils ont cru ce qui était écrit partout. Dans les journaux grand public, sur les sites d’associations : la question des tarifs de consultation.

  • 2 exemples :

66 millions d’impatients. Chapitre coût de votre santé : ne parle que du remboursement de la consultation chez le médecin. http://www.66millionsdimpatients.org/le-cout-de-votre-sante-4/en-pratique-premiere-question-a-se-poser-le-medecin-que-vous-consultez-est-il-en-secteur-1-ou-en-secteur-2-la-grande-majorite-des-medecins-qui-exercent-en-ville-sont-liberaux-cest-a-dire/

que choisir : chapitre le contrat d’accès au soins : ne parle que de la consultation. http://www.quechoisir.org/sante-bien-etre/complementaire-sante/decryptage-le-contrat-d-acces-aux-soins

Ce qu’on a vendu aux patients: une économie de 5 euros sur certaines consultations

Mais cela ne concerne pratiquement pas leurs généralistes et donc leurs médecins traitants. En effet, plus de 93% des médecins généralistes sont en secteur 1. Ils n’ont pas de titre hospitaliser et donc ne peuvent plus s’installer en secteur 2. Ils ne peuvent donc facturer de dépassement d’honoraires qu’à titre exceptionnel, en cas d’une exigence particulière du patient (DE). Ce qui veut dire que le remboursement de consultation plus élevées, en ce qui concerne le généraliste, c’est de la poudre aux yeux, ça ne sert à rien du tout.

– Les spécialistes sont eux, beaucoup en secteur 2. En moyenne 59%, des spécialistes sont en secteur 2, beaucoup plus dans certaines spécialités et certaines régions. Pour autant, sauf maladie chronique, il est rare que l’on consulte son spécialiste aussi souvent que son médecin traitant.

Du coup, pour la consultation de quelques spécialistes dans l’année, être remboursé sur la base de 28 au lieu de 23 euros sur une consultation, n’est pas  un changement radical dans la prise en charge de sa santé. Il faut préciser que le CASSE n’a pas retiré aux spécialistes le droit au dépassement. Le médecin s’engage juste à ne pas aller au-delà d’un dépassement de 100 % du tarif de la Sécurité sociale, soit le double de la consultation de secteur 1 (donc 28×2=56 euros). Or, quoi qu’on laisse croire, la majorité des médecins de secteur 2 pratique des honoraires inférieurs pour ne consultation simple. Attention aussi à ne pas confondre la consultation de suivi de spécialiste avec la « consultation pour avis, avec courrier de retour au généraliste. Son tarif de base sécurité sociale est de 46 euros. 

Dans la vraie vie, si un spécialiste facture une consultation à 50 €, le remboursement pour un médecin de secteur 1 ou en CAS se fera sur la base de 28 euros, et seulement sur la base de 23 si le médecin est en secteur 2. Bien sur, l’importance du remboursement restera soumis au contrat mutuelle de chaque patient. Que de bruit pour obtenir in fine maximum 5 euros de remboursement en plus.

Les patients ont cédé aux attraits d’un dispositif bien vendu, consistant seulement à leur rembourser quelques euros de certaines consultation en plus. Pas intéressant pour les portefeuilles individuels. Pourtant, selon les mutuelles, il coutera (dixit) 150 millions d’euros

On a ajouté pour endormir encore plus leur méfiance deux doses supplémentaires de trucs magiques :

  • Le Tiers Payant Généralisé: pour anesthésier un peu plus encore l’opinion publique,  on a fait croire aux patients qu’avec le tiers payant généralisé, ils n’auraient plus rien à régler. Erreur, ils auront à régler les dépassements non remboursés par leur mutuelle. Avec cette méthode, rendant bien voyant les quelques euros non remboursés d’une consultation, on compte utiliser les patients..  qu’ils fassent pression sur les médecins. Objectif : faire baisser les dépassements. Les belles paroles disent: obtenir une baisse de reste à charge. La vraie interprétation c’est surtout moins à rembourser pour les mutuelles.  Elles se fichent du social. Elles sont à but lucratif.
  • la Complémentaire pour tous. un truc très fort, très manipulant, très anesthésiant.  Généralisation de la complémentaire, payée en partie par l’entreprise. Et hop, les assurés de comprendre que tout le monde allait bénéficier d’une complémentaire santé collective dont une partie serait payée par un autre qu’eux . Et de croire que ça leur ferait des économies …

Sans lire les petites lignes : les tarifs de leurs mutuelles n’allaient pas changer, alors que leurs remboursements allaient subir une baisse faramineuse, liée à des plafonnements pour lesquels les patients ont signé sans en avoir conscience. Pas du tout en connaissance de cause… car ce sont leurs employeurs qui ont signé, pas eux. Ils ne peuvent donc plus rien y changer, sauf à prendre une surcomplémentaire.

Par ailleurs, encore discriminatoire, à l’image du remboursement différencié des consultations, en application du nouveau cahier des charges du contrat responsable, les nouveaux contrats allaient prendre en compte, dans la définition de leurs garanties, la différence entre un médecin signataire et un médecin non signataire du Contrat d’Accès aux Soins.

Et plafonner sévèrement les remboursements des dépassements d’honoraires des actes chirurgicaux si le chirurgien n’a pas signé le CAS.

Ce que les patients ont complètement loupé ( et sont en train de découvrir)

Leur méfiance endormie par  les promesses d’une consultation mieux remboursée saupoudrée d’images de tiers payant et de complémentaires moins onéreuses et payées en partie par les employeurs, les patients ont manqué plusieurs points d’importance

  • Tout d’abord, ils n’ont pas capté la discrimination introduite par ces nouvelles modalités. Pour un même tarif de consultation avec dépassement, pour un même dépassement d’honoraire chirurgical surtout, le patient est moins bien remboursé si son médecin n’a pas signé le CAS. En quoi le patient est-il responsable de la signature du médecin ? .
  • les patients n’ont pas non plus capté que le CASSE contenait des aubainespour quelques médecins.  En effet, beaucoup de praticiens bloqués en secteur 1 depuis des années (pour des raisons trop longues à expliquer ici) ont pu passer dans le CAS. Il fallait avoir les titres nécessaires (ancien chef de clinique ou assistant), situation de nombreux spécialistes, dont les radiologues, qui ont donc largement choisi ce secteur et de ce fait peuvent maintenant prendre des dépassements d’honoraires qu’ils ne pouvaient prendre avant. Il y a donc de fait grace au CAS plus de médecins autorisés à prendre des dépassements
  • Enfin, ils sont complètement passé à côté des dépassements d’honoraires des actes techniques et chirurgicaux. Les plus visibles pourtant, car bien plus élevés que les tarifs des consultations.

Pour ces dépassements d’honoraires sur les actes (chirurgie de tous types, radiologie, endoscopie, etc..)  les mutuelles n’avait qu’un rêve. Cesser de mettre largement largement la main à la poche, trop selon leur goût. N’importe qui, moyennant finances, pouvait s’assurer sur des dépassements d’honoraires très élevés, jusqu’à 600% du tarif de base de la sécu.  Beaucoup d’entreprises avaient pu négocier des contrats de groupe intéressants, pas trop onéreux, et permettant des taux de  prises en charge correcte de hauts dépassements d’honoraires. Les mutuelles ne l’entendent pas de cette oreille, elles appellent cela un dispositif inflationniste. En effet, médecins et patients prenaient de plus en plus l’habitude d’aligner les dépassements d’honoraires sur les taux de remboursement des patients.

Or la logique de la mutualité n’est pas de rembourser des dépassements élevés à ses  assurés, même s’ils déboursent plein pour cela. La logique des mutuelles, c’est de privilégier un dispositif tendant vers le remboursement de tarifs connus à l’avance.

Dans cette logique la, le coup de la généralisation de la complémentaire santé était le coup de génie.

Car les mutuelles se fichent un peu des patients qui s’assurent pour cher. Ce qu’elles préfèrent c’est rembourser pour moins cher. Et savoir d’avance ce qu’elles auront à rembourser. Alors, caché dans ce rare et soit-disant égalitaire élan collectif de généralisation de complémentaires, elles ont plafonné les remboursements. Et la, les patients n’ont rien vu venir… pas vu, mais pas vu du tout.

Du coup un patient consultant un médecin de secteur 2 non adhérent au CAS ne sera remboursé pour le dépassement d’honoraire que de 125% du tarif de la sécurité sociale en 2016 puis 100% en 2017. Par exemple, si la sécu paye un acte 100 euros (ce tarif est celui que le patient ne voit pas, car directement payé par la sécu au chirurgien lors d’une opération),  le praticien de secteur pourra demander en plus un dépassement de 125 euros en 2016. Au delà, le patient ne sera plus remboursé. Pour ceux qui avaient une bonne mutuelle, remboursant 300% de dépassement, par exemple, soit 300 euros dans notre exemple, c’est la douche froide. D’autant plus que le tarif annuel de leur mutuelle n’a pas baissé…

C’est mieux si le chirurgien a signé le CAS. Le problème est que les chirurgiens ont massivement rejeté cet avenant et refusé de le signer, ils ne veulent pas plafonner leurs dépassements.

  • Dernier rendez-vous manqué, la démarche cachée derrière ces discriminations : il s’agit d’instrumentaliser les patients, en les montant contre les médecins afin qu’ils fassent eux-mêmes pression sur les praticiens.

Les mutuelles et la sécu savent parfaitement que les médecins français sont sous-payés par rapport à leurs collègues des autres pays d’Europe. Ils ne peuvent donc exercer de pression de baisse des dépassements, car ceux-ci sont légaux et complètent des honoraires bien trop bas. Dans cette histoire, comme souvent, il est malin de vouloir utiliser les patients. Le propos prévu est qu’ils fassent pression sur les médecins afin de les inciter à signer ce fameux avenant de la convention et en retour de limiter leurs dépassements. Toute source d’économie de remboursement pour les mutuelles….

On pense que les patients forceraient les médecins à changer en leur faisant peur, que les médecins seraient amenés à reconsidérer leurs tarifs pour ne pas perdre de clientèle. C’est oublier un truc : les médecins sont de plus en plus rares. Et leur clientèle, même s’ils sont chers, ne baissera pas.

En conclusion

Finalement, pour 3, 5, 10 euros, de remboursement en plus de certaines consultations, un truc disons un peu symbolique, parce que c’est le prix d’une bière ou d’un paquet de cigarettes, les patients ont perdu énormément sur les remboursements des dépassements d’honoraires. Une mesure soit-disant phare, cachant en fait la foret d’une baisse de remboursement dans un autre secteur.

Qui s’est fait avoir au final : les patients…

Quel biais cognitif faut-il à l’avenir éviter, maintenant que les malades ont compris qu’ils se sont fait baiser. Eh bien, je proposerais d’éviter le discours consistant à ruminer que les médecins sont riches et se sucrent sur le dos des patients. Si vous avez bien lu tout le post, vous aurez compris que l’on ne peut pas baisser les honoraires des médecins français, déjà bien moins rémunérés que leurs homologues européens, et que ce sont donc les patients qui vont payer plus cher pour être remboursés bien moins.

Vous l’aurez compris, il serait temps que les patients cessent d’accuser les médecins de se faire de l’argent sur leur dos. C’est inexact, les médecins travaillent énormément, et la logique qui va avec un énorme travail est bien de gagner plus. Si les médecins et les patients ne  discutent pas plus sereinement, et ne négocient pas conjointement, en otant du discours le duel « pauvres malades versus riches médecins », il est certain que ce sont encore les patients qui payeront. Les mutuelles adorent faire des CASSE… dans la poche de leurs cotisants.

4 commentaires sur “Nouveau CASSE des mutuelles…

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  1. Excellent article sans parti pris: juste la réalité du CAS. Ce qui n’est pas dit c’est que le signataire du Cas ( dont je suis secteur 2 signataire) n’a rien à y gagner en terme de revenus car le taux de dépassement imposé par la secu est impossible à respecter et les avantages fiscaux ne sont donc pas honorés par la secu ( prise en charge charges sociales …)en conclusion : baisse de revenus: solution : sortir du CAS : reaugmenter les dépassements d’honoraires.

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